Métrique en Ligne
PRU_2/PRU88
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
LE VOLUBILIS
Toi qui m'entends sans peur te parler de la mort, 12
Parce que ton espoir te promet qu'elle endort 12
Et que le court sommeil commencé dans son ombre 12
S'achève au clair pays des étoiles sans nombre, 12
5 Reçois mon dernier vœu pour le jour où j'irai 12
Tenter seul, avant toi, si ton espoir dit vrai. 12
Ne cultive au-dessus de mes paupières closes 12
Ni de grands dahlias, ni d'orgueilleuses roses, 12
Ni de rigides lis : ces fleurs montent trop haut. 12
10 Ce ne sont pas des fleurs si fières qu'il me faut, 12
Car je ne sentirais de ces raides voisines 12
Que le tâtonnement funèbre des racines. 12
Au lieu des dahlias, des roses et des lis, 12
Transplante près de moi le gai volubilis 12
15 Qui, familier, grimpant le long du vert treillage 12
Pour denteler l'azur où ton âme voyage, 12
Forme de ta beauté le cadre habituel 12
Et fait de ta fenêtre un jardin dans le ciel. 12
Voilà le compagnon que je veux à ma cendre : 12
20 Flexible, il saura bien jusque vers moi descendre. 12
Quand tu l'auras baisé, chérie, en me nommant, 12
Par quelque étroite fente il viendra doucement, 12
Messager de ton cœur, dans ma suprême couche, 12
Fleurir de ton espoir le néant de ma bouche. 12
logo du CRISCO logo de l'université