Métrique en Ligne
PRU_2/PRU71
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
LA MER
La mer pousse une vaste plainte, 8
Se tord et se roule avec bruit, 8
Ainsi qu'une géante enceinte 8
Qui des grandes douleurs atteinte, 8
5 Ne pourrait pas donner son fruit ; 8
Et sa pleine rondeur se lève 8
Et s'abaisse avec désespoir. 8
Mais elle a des heures de trêve : 8
Alors sous l'azur elle rêve, 8
10 Calme et lisse comme un miroir. 8
Ses pieds caressent les empires, 8
Ses mains soutiennent les vaisseaux, 8
Elle rit aux moindres zéphires, 8
Et les cordages sont des lyres, 8
15 Et les hunes sont des berceaux. 8
Elle dit au marin : « pardonne 8
Si mon tourment te fait mourir ; 8
Hélas ! Je sens que je suis bonne, 8
Mais je souffre et ne vois personne 8
20 D'assez fort pour me secourir ! » 8
Puis elle s'enfle encor, se creuse 8
Et gémit dans sa profondeur ; 8
Telle, en sa force douloureuse, 8
Une grande âme malheureuse 8
25 Qu'isole sa propre grandeur ! 8
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