Métrique en Ligne
PRU_2/PRU69
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
MARS
En mars, quand s'achève l'hiver, 8
Que la campagne renaissante 8
Ressemble à la convalescente 8
Dont le premier sourire est cher ; 8
5 Quand l'azur, tout frileux encore, 8
Est de neige éparse mêlé, 8
Et que midi, frais et voilé, 8
Revêt une blancheur d'aurore ; 8
Quand l'air doux dissout la torpeur 8
10 Des eaux qui se changeaient en marbres ; 8
Quand la feuille aux pointes des arbres 8
Suspend une verte vapeur ; 8
Et quand la femme est deux fois belle, 8
Belle de la candeur du jour, 8
15 Et du réveil de notre amour 8
Où sa pudeur se renouvelle, 8
Oh ! Ne devrais-je pas saisir 8
Dans leur vol ces rares journées 8
Qui sont les matins des années 8
20 Et la jeunesse du désir ? 8
Mais je les goûte avec tristesse ; 8
Tel un hibou, quand l'aube luit, 8
Roulant ses grands yeux pleins de nuit, 8
Craint la lumière qui les blesse, 8
25 Tel, sortant du deuil hivernal, 8
J'ouvre de grands yeux encore ivres 8
Du songe obscur et vain des livres, 8
Et la nature me fait mal. 8
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