Métrique en Ligne
PRU_2/PRU67
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
LA PENSÉE
Un soir, vaincu par le labeur 8
Où s'obstine le front de l'homme, 8
Je m'assoupis, et dans mon somme 8
M'apparut un bouton de fleur. 8
5 C'était cette fleur qu'on appelle 8
Pensée ; elle voulait s'ouvrir, 8
Et moi je m'en sentais mourir : 8
Toute ma vie allait en elle. 8
Échange invisible et muet : 8
10 À mesure que ses pétales 8
Forçaient les ténèbres natales, 8
Ma force à moi diminuait. 8
Et ses grands yeux de velours sombre 8
Se dépliaient si lentement 8
15 Qu'il me semblait que mon tourment 8
Mesurât des siècles sans nombre. 8
« vite, ô fleur, l'espoir anxieux 8
De te voir éclore m'épuise ; 8
Que ton regard s'achève et luise 8
20 Fixe et profond dans tes beaux yeux ! » 8
Mais, à l'heure où de sa paupière 8
Se déroulait le dernier pli, 8
Moi, je tombais enseveli 8
Dans la nuit d'un sommeil de pierre. 8
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