Métrique en Ligne
PRU_2/PRU59
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
LA BOUTURE
Au temps où les plaines sont vertes, 8
Où le ciel dore les chemins, 8
Où la grâce des fleurs ouvertes 8
Tente les lèvres et les mains, 8
5 Au mois de mai, sur sa fenêtre, 8
Un jeune homme avait un rosier ; 8
Il y laissait les roses naître 8
Sans les voir ni s'en soucier ; 8
Et les femmes qui d'aventure 8
10 Passaient près du bel arbrisseau, 8
En se jouant, pour leur ceinture 8
Pillaient les fleurs du jouvenceau. 8
Sous leurs doigts, d'un précoce automne 8
Mourait l'arbuste dévasté ; 8
15 Il perdit toute sa couronne, 8
Et la fenêtre sa gaîté ; 8
Si bien qu'un jour, de porte en porte, 8
Le jeune homme frappa, criant : 8
« qu'une de vous me la rapporte, 8
20 La fleur qu'elle a prise en riant ! » 8
Mais les portes demeuraient closes. 8
Une à la fin pourtant s'ouvrit : 8
« ah ! Viens, dit en montrant des roses 8
Une vierge qui lui sourit ; 8
25 « je n'ai rien pris pour ma parure ; 8
Mais sauvant le dernier rameau, 8
Vois ! J'en ai fait cette bouture, 8
Pour te le rendre un jour plus beau. » 8
logo du CRISCO logo de l'université