Métrique en Ligne
PRU_2/PRU57
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
LA TERRE ET L'ENFANT
Enfant sur la terre on se traîne, 8
Les yeux et l'âme émerveillés, 8
Mais, plus tard, on regarde à peine 8
Cette terre qu'on foule aux pieds. 8
5 Je sens déjà que je l'oublie, 8
Et, parfois, songeur au front las, 8
Je m'en repens et me rallie 8
Aux enfants qui vivent plus bas. 8
Détachés du sein de la mère, 8
10 De leurs petits pieds incertains 8
Ils vont reconnaître la terre 8
Et pressent tout de leurs deux mains ; 8
Ils ont de graves tête-à-tête 8
Avec le chien de la maison ; 8
15 Ils voient courir la moindre bête 8
Dans les profondeurs du gazon ; 8
Ils écoutent l'herbe qui pousse, 8
Eux seuls respirent son parfum ; 8
Ils contemplent les brins de mousse 8
20 Et les grains de sable un par un ; 8
Par tous les calices baisée, 8
Leur bouche est au niveau des fleurs, 8
Et c'est souvent de la rosée 8
Qu'on essuie en séchant leurs pleurs. 8
25 J'ai vu la terre aussi me tendre 8
Ses bras, ses lèvres, autrefois ! 8
Depuis que je la veux comprendre, 8
Plus jamais je ne l'aperçois. 8
Elle a pour moi plus de mystère, 8
30 Désormais, que de nouveauté ; 8
J'y sens mon cœur plus solitaire, 8
Quand j'y rencontre la beauté ; 8
Et, quand je daigne par caprice 8
Avec les enfants me baisser, 8
35 J'importune cette nourrice 8
Qui ne veut plus me caresser. 8
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