Métrique en Ligne
PRU_2/PRU55
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
LES SERRES ET LES BOIS
Dans les serres silencieuses 8
Où l'hiver invite à s'asseoir, 8
Sous un jour blême comme un soir 8
Fument les plantes précieuses. 8
5 L'une, raide, élançant tout droit 8
Sa tige aux longues feuilles sèches, 8
Darde au plafond, comme des flèches, 8
Les pointes d'un calice étroit. 8
Une autre, géante à chair grasse, 8
10 Que hérissent de durs piquants, 8
Ne sourit que tous les cinq ans 8
Dans une éclosion sans grâce. 8
Une autre, molle en ses efforts, 8
Grimpe au vitrail, et la captive 8
15 Regarde en pitié l'herbe active 8
Qui tient tête au vent du dehors. 8
Pas un souffle ici, rien ne bouge ; 8
Toutes versent avec lenteur, 8
À flots lourds, la fade senteur 8
20 De leur floraison fixe et rouge. 8
Celui qu'elles charment d'abord, 8
Dans cet air qui bientôt lui pèse, 8
Envahi par un grand malaise, 8
Descend de l'ivresse à la mort. 8
25 Ah ! Que mille fois plus aimée 8
La violette, fleur des bois ! 8
Et que plus saine mille fois 8
La chambre qu'elle a parfumée ! 8
Son baume, loin d'appesantir, 8
30 Allège et fait l'âme nouvelle ; 8
Mais fine, il faut s'approcher d'elle, 8
La baiser, pour la bien sentir. 8
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