Métrique en Ligne
PRU_2/PRU50
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Solitudes
1867
JOIES SANS CAUSES
On connaît toujours trop les causes de sa peine, 12
Mais on cherche parfois celles de son plaisir ; 12
Je m'éveille parfois l'âme toute sereine, 12
Sous un charme étranger que je ne peux saisir. 12
5 Un ciel rose envahit mon être et ma demeure, 12
J'aime tout l'univers, et, sans savoir pourquoi, 12
Je rayonne. Cela ne dure pas une heure, 12
Et je sens refluer les ténèbres en moi. 12
D'où viennent ces lueurs de joie instantanées, 12
10 Ces paradis ouverts qu'on ne fait qu'entrevoir, 12
Ces étoiles sans nom dans la nuit des années, 12
Qui filent en laissant le fond du cœur plus noir ? 12
Est-ce un avril ancien dont l'azur se rallume, 12
Printemps qui renaîtrait de la cendre des jours 12
15 Comme un feu mort jetant une clarté posthume ? 12
Est-ce un présage heureux des futures amours ? 12
Non. Ce mystérieux et rapide sillage 12
N'a rien du souvenir ni du pressentiment ; 12
C'est peut-être un bonheur égaré qui voyage 12
20 Et, se trompant de cœur, ne nous luit qu'un moment. 12
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