Métrique en Ligne
PRU_1/PRU20
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Vaines Tendresses
1875
PÈLERINAGES
En souvenir je m'aventure 8
Vers les jours passés où j'aimais, 8
Pour visiter la sépulture 8
Des rêves que mon cœur a faits. 8
5 Cependant qu'on vieillit sans cesse, 8
Les amours ont toujours vingt ans, 8
Jeunes de la fixe jeunesse 8
Des enfants qu'on pleure longtemps. 8
Je soulève un peu les paupières 8
10 De ces chers et douloureux morts ; 8
Leurs yeux sont froids comme des pierres 8
Avec des regards toujours forts. 8
Leur grâce m'attire et m'oppresse, 8
En dépit des ans révolus 8
15 Je leur ai gardé ma tendresse ; 8
Ils ne me reconnaîtraient plus. 8
J'ai changé d'âme et de visage ; 8
Ils redoutent l'adieu moqueur 8
Que font les hommes de mon âge 8
20 Aux premiers rêves de leur cœur ; 8
Et moi, plein de pitié, j'hésite, 8
J'ai peur qu'en se posant sur eux 8
Mon baiser ne les ressuscite : 8
Ils ont été trop malheureux. 8
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