Métrique en Ligne
PRU_1/PRU13
René-François SULLY PRUDHOMME
Les Vaines Tendresses
1875
CE QUI DURE
Le présent se fait vide et triste, 8
Ô mon amie, autour de nous ; 8
Combien peu du passé subsiste ! 8
Et ceux qui restent changent tous : 8
5 Nous ne voyons plus sans envie 8
Les yeux de vingt ans resplendir, 8
Et combien sont déjà sans vie 8
Des yeux qui nous ont vus grandir ! 8
Que de jeunesse emporte l'heure, 8
10 Qui n'en rapporte jamais rien ! 8
Pourtant quelque chose demeure : 8
Je t'aime avec mon cœur ancien, 8
Mon vrai cœur, celui qui s'attache 8
Et souffre depuis qu'il est né, 8
15 Mon cœur d'enfant, le cœur sans tache 8
Que ma mère m'avait donné ; 8
Ce cœur où plus rien ne pénètre, 8
D'où plus rien désormais ne sort ; 8
Je t'aime avec ce que mon être 8
20 A de plus fort contre la mort ; 8
Et, s'il peut braver la mort même, 8
Si le meilleur de l'homme est tel 8
Que rien n'en périsse, je t'aime 8
Avec ce que j'ai d'immortel. 8
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