Métrique en Ligne
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Eugène POTTIER
Chants révolutionnaires
1887
DON QUICHOTTE
A FLOURENS, assassiné.
Rencontrant la chaîne des bagnes, 8
Le plus grand héros des Espagnes, 8
Don Quichotte, accourt, lance au poing ! 8
Sancho voudrait n'en être point ! 8
5 L'argousin fuit ; le fou sublime 8
Des fers arrache une victime. 8
«— Monsieur, disait Sancho Paça, 8
»Laissez donc la chaîne au forçat ! 8
»— Ami Sancho, je fais mon œuvre, 8
10 »Ce vieux forçat, c'est le manœuvre, 8
»Outil dans sa rouille ébréché 8
»Et d'un vil salaire emmanché. 8
»L'argent, ce maître sans entrailles, 8
»L'use, puis le jette aux ferrailles. 8
15 »— Monsieur, disait Sancho Pança, 8
» Laissez donc la chaîne au forçat ! 8
»— Sancho, je délivre et protège 8
»Ce petit forçat du collège, 8
»Nourri d'un savoir recraché 8
20 »Par les pédants qui l'ont mâché. 8
»Cet esprit dont ils font un cancre 8
»N'est qu'un cahier barbouillé d'encre… 8
»— Monsieur, disait Sancho Pança, 8
»Laissez donc la chaîne au forçat ! 8
25 »— Sors aussi, forçat de caserne, 8
»Ta cervelle est une giberne, 8
»Ta conscience, un mousqueton ; 8
»Tu n'es plus qu'un homme à piston. 8
»Pour ce métier de cannibales 8
30 »On vous fond dans un moule à balles… 8
»— Monsieur, disait Sancho Pança, 8
»Laissez donc la chaîne au forçat ! 8
»Et toi, forçat des sacristies, 8
»Jette la soutane aux orties, 8
35 »Le cloître a fait pousser en toi 8
»Les moisissures de la Foi. 8
»Rome lymphatique propage 8
»Les scrofules du moyen âge… 8
»— Monsieur, disait Sancho Pança, 8
40 »Laissez donc la chaîne au forçat ! 8
»— Toi, surtout, femme infortunée, 8
»Incomparable Dulcinée, 8
»Qui gémit aux mains des géants 8
»Et des enchanteurs mécréants, 8
45 »Du cœur la loi rompt l'équilibre, 8
»Il demande l'union libre. 8
»— Monsieur, disait Sancho Pança, 8
»Laissez donc la chaîne au forçat !» 8
O fleur de la chevalerie ! 8
50 Dis-je alors dans ma rêverie, 8
Attaque ces géants de front 8
Malgré ton écuyer poltron. 8
Car, jusqu'au jour où ton épée 8
Aura clos la grande Épopée, 8
55 «— Monsieur, dira Sancho Pança, 8
»Laissez donc la chaîne au forçat !» 8
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