Métrique en Ligne
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Eugène POTTIER
Chants révolutionnaires
1887
LA GUERRE
A Eugène BAILLET (Lice chansonnière).
On vient de déclarer la guerre : 8
«Allons-y ! disent les vautours ; 8
»Mais cela ne nous change guère, 8
»N'est-ce pas guerre tous les jours ?» 8
5 Du moins elle jette son masque, 8
En riant d'un rire insensé, 8
Le squelette a coiffé son casque, 8
Son cheval-squelette est lancé. 8
Elle couvait, aussi perverse, 8
10 De classe à classe, à tous degrés : 8
Ici, guet-apens du commerce ; 8
Là, famille à couteaux tirés. 8
Privé d'essor, le brigandage 8
Chutait au bagne à tous propos ; 8
15 On ne tolérait le pillage 8
Qu'à titre de banque et d'impôts. 8
On sevrait la soif sanguinaire ; 8
On réprimait le fauve instinct ; 8
On inquiétait Lacenaire, 8
20 On chagrinait ce bon Castaing. 8
Ah ! nous blâmions l'infanticide ! 8
Nos fils ont vingt ans… et ce soir 8
Le conseil des bouchers décide 8
Lesquels sont bons pour l'abattoir. 8
25 Emplumés, tatoués, nous sommes 8
Des Peaux-Rouges, des clans rivaux. 8
Jetons au sol un fumier d'hommes, 8
«La terre en produit de nouveaux !» 8
Souffleté, l'Évangile émigre, 8
30 Les apôtres s'en vont bernés, 8
O patrie ! un reste de tigre 8
Rugit dans tous les «cœurs bien nés !» 8
On chauffe à blanc votre colère, 8
Peuples sans solidarité, 8
35 Mis au régime cellulaire 8
De la nationalité. 8
L'obus déchire la nuit noire, 8
Le feu dévore la cité ; 8
Le sang est tiré… viens le boire ! 8
40 Toi, qu'on nomme l'Humanité. 8
Le droit de la force et du nombre 8
Piaffe sur les vaincus meurtris ; 8
La gloire étend sur le ciel sombre 8
Ses ailes de chauve-souris. 8
45 Guerre ! guerre ! mais qu'attend-elle 8
Pour broyer la chair et les os ? 8
Elle attend la feuille nouvelle, 8
Le mois des fleurs et des oiseaux. 8
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