Métrique en Ligne
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Eugène POTTIER
Chants révolutionnaires
1887
L'ENFANTEMENT
A Adolphe DOUAI, à New-York.
Les flancs tout en lambeaux, la mère 8
Est en travail sur son lit de misère, 10
Notre siècle est un dénouement. 8
L'humanité, notre âme-mère, 8
5 Est en travail sur son lit de misère. 10
Peuples, voici l'enfantement ! 8
Elle attendait sa délivrance 8
Depuis bien des jours ! Mais : voici !… 8
Son cœur qui s'appelle la France, 8
10 Devine un mâle et dit : merci ! 8
«Qu'importent mes douleurs profondes, 8
»Voici mon temps, voici mon lieu !» 8
Et dans l'infini noir, les mondes 8
La veillent d'un regard de feu. 8
15 Chair qu'on dégrade et qu'on immole 8
Dans un passé presqu'inconnu, 8
Ce fut d'abord la vierge folle 8
Se livrant au premier venu. 8
Assez d'orgie et de batailles, 8
20 Assez d'esclavage muet, 8
Elle a senti dans ses entrailles 8
Quelque chose qui remuait. 8
Il lui fallut percer les ombres, 8
Traverser les bûchers ardents, 8
25 Des dieux balayer les décombres, 8
Gravir la route épée aux dents. 8
Triompher des rois et des castes 8
Et, dans ce combat éternel, 8
Pendant mille siècles néfastes, 8
30 Traîner son fardeau maternel. 8
Près d'elle un groupe de tout âge, 8
Le plus jeune a le fer en main. 8
«Employons le forceps, courage, 8
»Que tout s'achève avant demain !» 8
35 Ah ! jeune homme, en cette heure amère, 8
La science te le défend, 8
Tu risques de blesser la mère, 8
Tu risques de tuer l'enfant. 8
Des pièces de cent sous vivantes 8
40 Se parlent bas : «S'il vient à bien, 8
»Agio, banque, achats et ventes, 8
»Tout est fini : l'Or n'est plus rien. 8
»Si ce n'est qu'une fausse couche, 8
»On verra la Bourse monter, 8
45 »Grimpons à pieds joints sur sa couche, 8
»Tâchons de la faire avorter !» 8
Place aux derniers, aux misérables, 8
Aux va-nu-pieds, aux rejetés, 8
Peuplant par foules innombrables 8
50 Les campagnes et les cités. 8
«Il n'est plus d'ennemi qui bouge, 8
»Mère, mère, l'heure a sonné, 8
»Couvre de notre drapeau rouge 8
»Le berceau de ton nouveau-né !» 8
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