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Ma défense, messieurs les juges, sera brève. |
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Voici : jeudi dernier, je m’étais mis en grève, |
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Comme tous les jeudis, — habitude que j’ai — |
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Je veux dire… j’avais pris ce jour-là congé. |
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Le jeudi, mes amis, je dépose mes manches |
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De lustrine, et j’en fais autant tous les dimanches. |
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Cinq jours de bon travail, c’est assez, Dieu merci ! |
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Par semaine. Et je vais, exempt de tout souci, |
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Rêver, loin de Paris, à quelques pas d’ici. |
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J’ai là, dans le pays des rosières, Nanterre, |
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Une en quelque façon sorte de coin de terre, |
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Un petit patelin… Ça n’est pas le Pérou. |
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À côté du Marly de Sardou c’est un trou. |
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Car vous supposez bien, n’est-ce pas ? qu’un critique |
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Ne gagne pas autant qu’un auteur dramatique. |
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Sur ce bout de terrain, j’ai fait construire un rien |
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De maison, grande assez pour un végétarien, |
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Un petit cafourniau, manière de cahute |
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Que disloque la pluie et que le vent chahute… |
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Mais, quand ce ne serait qu’un gourbi de fourmis, |
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Qu’importe, est-il pas vrai, s’il y vient des amis ! |
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Du plus modeste toit le sage se contente. |
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Pour un rien, il irait coucher sous une tente. |
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Or, dimanche dernier — je veux dire jeudi, |
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J’étais donc à Nanterre, ainsi que je l’ai dit. |
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Le soir, après dîner, avec ma chère femme, |
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Je prenais mon café, pur moka, vrai dictame, |
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Je prenais mon café — dis-je — quand, dans la nuit, |
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Et, dans ma propre cour, il se fit un grand bruit. |
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On eût dit comme de quelqu’un que l’on étrangle. |
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J’étais un peu déboutonné, je me ressangle. |
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— Restez-la, restez — fis-je, à Madame Sarcey… |
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Passez-moi le flambeau, je vais voir ce que c’est. |
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D’abord je ne vis rien qu’un horrible mélange |
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D’os et de chairs meurtris qui traînaient dans la fange, |
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Et que mon bon chien Trac se disputait tout seul. |
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Je devins aussitôt pâle comme un linceul, |
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Car un homme était là gisant — quelque escogriffe ! |
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Que Trac vous houspillait du croc et de la griffe. |
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J’eus une peine énorme à le faire lâcher ; |
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Tout de même, il finit par aller se coucher. |
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Quant à l’autre, je dis : « Qu’est-ce qu’à pareille heure, |
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Vous pouvez bien venir f…icher dans ma demeure ? » |
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Voilà qu’il me répond : « Avez-vous des tonneaux |
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À vendre ? » C’était donc un marchand de tonneaux. |
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Il ajouta qu’ayant trouvé la porte ouverte, |
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Il l’avait simplement poussée. Hé ! voilà, certe, |
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Qui ne me suffit pas. Sont-ce là des raisons, |
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Pour entrer… comme ça… la nuit, dans les maisons ? |
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Est-ce que vraiment, sous prétexte qu’une porte |
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Est ouverte, on me voit entrer ? Non, elle est forte !… |
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Et je le retiendrai ce marchand de tonneaux, |
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Que si je le revois, je lui dirai deux mots. |
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Et, d’ailleurs, vend-on des tonneaux à pareille heure ? |
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On n’en achète pas non plus, ou que je meure !… |
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Ensuite, on n’entre pas chez les gens sans frapper, |
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Voilà tout. Et mon chien a bien pu s’y tromper : |
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En voyant tout à coup, un étranger paraître, |
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Il a cru qu’on venait assassiner son maître. |
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(Hé, mon Dieu… ce n’est pas tellement insensé. |
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Des auteurs très souvent déjà m’ont menacé.) |
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Alors, que voulez-vous ?… mon Trac est chien de garde. |
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Par conséquent, garder son maître le regarde… |
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Messieurs, je vous ai dit toute la vérité. |
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Je veux bien accorder cent francs d’indemnité |
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À cet affreux marchand de tonneaux mais, en somme, |
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Il exige vraiment une trop forte somme. |
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Cinq cents francs pour avoir été mordu ! Mais, pour |
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Moins que ça, je me ferais mordre tout un jour. |
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Cinq cents francs ! c’est beaucoup, d’autant, je vous assure, |
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Qu’il ne lui reste plus trace d’une blessure. |
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Cinq cents francs ! Sarpejeu ! Diable ! comme il y va ! |
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Il reviendrait me voir, je crois, à ce prix-là. |
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Je ne suis pas assez riche. Cependant, comme, |
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Ainsi que chacun sait, je suis un très brave homme, |
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Je veux bien lui donner vingt francs. Maintenant, si |
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Vous voulez vous payer ma tête — la voici. |
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