Métrique en Ligne
PON_1/PON55
Raoul PONCHON
La muse au cabaret
1920
LA MUSE AU CABARET
POUBELLES DANS LE BOIS
À Jean Stevens.
Un fanatique du bois de Boulogne
propose de disposer çà et là des
boîtes à ordures, afin que le public
puisse y jeter ses papiers gras et
détritus de toute sorte.
C’est cela. Compte sur tes boîtes, 8
Mon ami, pour sauver le Bois. 8
Surtout, qu’elles soient adéquates 8
À leur objet, et de bon poids ! 8
5 Quelle candeur ! ma vieille branche. 8
Sais-tu pas que les Parigots, 8
En particulier — du dimanche — 8
Sont d’incurables saligauds. 8
Ouvrier, bourgeois ou satyre, 8
10 Enfin, en général, tous ceux 8
Que la belle nature attire, 8
Sont des seigneurs, hors de chez eux, 8
Quand ils vont déjeuner sur l’herbe, 8
Ils se moquent bien, après tout. 8
15 En leur sérénité superbe, 8
De semer leurs déchets partout. 8
Ils font comme le Shah de Perse, 8
Quand il dîne chez ses cousins, 8
Lequel nonchalamment disperse 8
20 Ses os rongés sur les voisins. 8
Ils savent bien que des ilotes, 8
À l’aube, dès le lendemain, 8
Munis de crochets et de hottes, 8
Viendront, et dans un tour de main, 8
25 Glaneront toutes les ordures 8
Qui déshonorent le gazon, 8
Et repeigneront la verdure. 8
Ils y comptent. Ils ont raison. 8
Et tu peux leur mettre des boîtes 8
30 Un peu partout, ici et là, 8
Dès qu’ils en verront une à droite, 8
Ils iront à gauche. Et voilà ! 8
Mais, j’admire fort ta constance, 8
Si tu crois qu’ils feront un pas, 8
35 Pour aller porter à distance 8
Les détritus de leur repas. 8
Ce sont là des mœurs disparues. 8
Autant leur demander aussi 8
De balayer trottoirs et rues… 8
40 Enfin, si tel est ton souci, 8
Tu visiteras tes poubelles, 8
Pauvre homme ! le lundi matin ; 8
Et tu m’en diras des nouvelles, 8
Et tu compteras ton butin. 8
45 Ces boîtes-là, vois-tu, c’est comme 8
L’ustensile nommé crachoir, 8
Où jamais, de mémoire d’homme, 8
Personne n’a laissé rien choir. 8
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