Métrique en Ligne
POL_1/POL6
Jean POLONIUS
Poésies
1827
JALOUSIE
Il t’aime ! il t’aime ! — il me l’a dit : 8
Ses regards me l’ont fait comprendre ; 8
Fatal aveu ! secret maudit ! 8
Est-ce moi qui devais l’entendre ? 8
5 Il t’aime ! — À ce mot accablant, 8
Mon front s’est couvert d’un nuage ; 8
J’ai senti se troubler mon sang, 8
Et ma lèvre a tremblé de rage. 8
Et j’ai pu le voir, l’écouter ! 8
10 Sans rompre à grands cris le silence ! 8
Sans repousser, sans rejeter 8
Son odieuse confidence !… 8
Mais non : mes traits ne devaient pas 8
Lui révéler que je t’adore ! 8
15 Car t’aimer est un crime, hélas ! 8
Et le dire est un crime encore. 8
Pourquoi, par quels fatals attraits 8
L’air où tu vis fait-il qu’on t’aime ? 8
Je voudrais dérober tes traits 8
20 Au monde, au jour, aux vieillards même. 8
Je hais ceux qui parlent de toi ; 8
Je hais ceux qui te trouvent belle ; 8
Je hais ton nom, si devant moi 8
Quelque autre bouche le rappelle ! 8
25 Puisqu’un abîme est entre nous, 8
Eh ! bien, que le sort s’accomplisse ! 8
Mais que ce gouffre trop jaloux 8
Nul autre au moins ne le franchisse ! 8
Oui, je saurai, même sans toi, 8
30 Supporter l’air et la lumière, 8
Si le sort qui t’arrache à moi 8
T’arrache au reste de la terre. 8
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