Métrique en Ligne
POL_1/POL19
Jean POLONIUS
Poésies
1827
MARINE
La vie humaine est une rive 8
Où, sur le bord, nous attendons 8
Qu’à son retour le flux arrive 8
Laver l’empreinte fugitive 8
5 Des pas qu’en vain nous y traçons. 8
Le ciel est bleu, la, mer est belle, 8
Zéphyrs, oiseaux prennent l’essor ; 8
Mais lorsque aux jeux tout nous appelle, 8
Le bruit de la vague éternelle, 8
10 De loin, se fait entendre encor. 8
Au bord de l’onde menaçante, 8
Les faibles humains répandus 8
Vont se jouant sans épouvante, 8
Comme une troupe insouciante 8
15 D'enfants ensemble confondus. 8
Ceux-ci, sur les rochers sauvages, 8
Grimpent d’un pied aventureux ; 8
Ceux-là, courant le long des plages, 8
Poursuivent l’ombre des nuages 8
20 Qui fuit et glisse devant eux. 8
Avec les sables de la grève, 8
L’un dresse un frêle monument ; 8
Puis tout à coup le vent se lève, 8
Et vient disperser, comme un rêve, 8
25 Son édifice d’un moment. 8
Un autre, aux vagues qu’il tourmente, 8
Lance les pierres de leurs bords, 8
Comme si l’oncle indifférente 8
Allait reculer d’épouvante 8
30 Devant ses risibles efforts. 8
Sur cet écueil, au front stérile, 8
Dont la mer laisse à nu les flancs, 8
Voyez lutter ce groupe agile, 8
À qui, du sommet immobile, 8
35 Restera maître plus longtemps. 8
L’un tombe, un autre le remplace ; 8
Que de combats ! que de clameurs ! 8
Pour s’arracher un faible espace 8
Que bientôt l’onde qui s’amasse 8
40 Aura repris sur les vainqueurs ! 8
Et toi, sous ce roc solitaire, 8
Que fais-tu là, sans compagnon ? 8
Dans les entrailles de la pierre, 8
Ta main, en frêle caractère, 8
45 Grave les lettres de ton nom. 8
En vain la troupe qui t’appelle 8
T’invite à ses joyeux ébats : 8
En vain l’air luit, l’onde étincelle ; 8
Dans l’antre noir qui te recèle, 8
50 Tu ne vois pas, tu n’entends pas. 8
Creuse, travaille, use la pierre ! 8
Perds le temps à t’éterniser, 8
Jusqu’à l’heure où la vague amère, 8
Du fond de ton obscur repaire, 8
55 À grand bruit te viendra chasser. 8
Un an, deux ans, la mer encore 8
Respectera ton souvenir, 8
En revenant, à chaque aurore, 8
Laver le pied du roc sonore, 8
60 Jusqu’où l’écume va mourir. 8
Mais si, miné par l’eau mordante, 8
Ce même roc s’use à son tour ; 8
Si, sous les coups de la tourmente, 8
Sa masse, au loin retentissante, 8
65 Dans l’Océan s’abîme un jour… 8
Des compagnons de ton jeune âge 8
Suivant l’exemple et le conseil, 8
N’est-il pas mieux d’aller, plus sage, 8
Avec eux tous, sur le rivage, 8
70 Courir ou t’asseoir au soleil ? 8
logo du CRISCO logo de l'université