Métrique en Ligne
POL_1/POL13
Jean POLONIUS
Poésies
1827
LE PÈLERIN
Barcarolle
Gentille batelière 6
Des rives de l’Adour, 6
Les cils de ta paupière 6
Sont humectés d’amour. 6
5 La volupté respire 6
En tes yeux, en tes bras ; 6
Mais ton charmant sourire 6
Ne me retiendra pas. 6
Sur ton humble nacelle 6
10 Amené dans ce jour, 6
Avant l’aube nouvelle 6
J’aurai fui sans retour. 6
Ah ! jette un œil moins tendre 6
Sur un pauvre étranger ; 6
15 Il ne saurait te rendre 6
Qu’un regard passager. 6
Vois-tu la feuille morte 6
Glisser le long des eaux ? 6
Ainsi, l’heure m’emporte 6
20 Vers des climats nouveaux. 6
Le saule en vain murmure 6
Sur ces bords inconnus ; 6
Demain leur onde pure 6
Ne me reverra plus. 6
25 De la rive à la rive 6
Les flots poussent les flots, 6
Et, toujours fugitive, 6
L’eau coule sans repos. 6
Ainsi toujours chemine 6
30 Le pèlerin errant 6
Des bois à la colline, 6
De l’aurore au couchant. 6
Les monts, les eaux, les plaines, 6
Les êtres et les lieux, 6
35 Comme des ombres vaines 6
Passent devant ses yeux. 6
A tout ce qu’il envie 6
S’arracher sans jouir, 6
Hélas ! voilà sa vie : 6
40 Un regard, un soupir. 6
Toujours changeant de scènes 6
Pour changer de regrets, 6
Il va formant des chaînes 6
Qu’il doit rompre a jamais. 6
45 S’il est aimé, s’il aime, 6
Malheur, malheur à lui ! 6
La moitié de lui-même 6
Reste au lieu qu’il a fui. 6
Il est plus d’un rivage 6
50 Ou sourit un ciel pur, 6
Ou frémit le feuillage, 6
Où la vague est d’azur ; 6
Mais il est de ces charmes 6
Qu’une fois entrevus, 6
55 Dans ce vallon de larmes, 6
On ne rencontre plus. 6
Adieu donc ! — En notre âme 6
N’éveillons pas l’amour, 6
Puisque pour nous sa flamme 6
60 Ne brillerait qu’un jour. 6
Il vaut mieux pour la vie 6
Nous oublier tous deux, 6
Comme la vague oublie 6
Le sillage écumeux. 6
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