Métrique en Ligne
POL_1/POL11
Jean POLONIUS
Poésies
1827
JE LA VERRAI
«Je la verrai : l’air est serein, 8
«Le ciel est pur et sans nuage ; 8
«Sous les tilleuls de ce jardin 8
«Elle viendra chercher l’ombrage. 8
5 «De loin mes regards la suivront 8
«Parmi la foule murmurante ; 8
«Nos yeux muets se parleront, 8
«Et j’oublierai ma longue attente. 8
«Je ne la verrai pas ! non, non ! 8
10 «Le lilas tremble sur sa tige ; 8
«Le ciel se couvre : — à l’horizon, 8
«La poussière, en tournant, voltige ; 8
«Le soleil quitte le gazon, 8
«La pluie inonde le feuillage ; 8
15 «Je ne la verrai pas ! non, non ! 8
«Adieu l’espoir ; voici l’orage ! 8
«Mais le vent change ! Sur l’étang, 8
«Les gouttes d’eau tombent plus lentes ; 8
«Le cygne au soleil renaissant 8
20 «Ouvre ses ailes frémissantes. 8
«Un coin du ciel s’est épuré ; 8
«L’Iris brillante se déploie ; 8
«Je la verrai ! je la verrai ! 8
«L’orage a fui : vive la joie !» 8
25 Ainsi des cieux, à mon réveil, 8
Je regardais passer les teintes, 8
Et vingt fois, comme le soleil, 8
Revenaient ou fuyaient mes craintes. 8
L’âme inquiète d’un amant 8
30 Est comme une eau mobile et claire, 8
Qui, tour à tour, d’un ciel changeant 8
Réfléchit l’ombre ou la lumière. 8
Heureux, du moins, puisque jamais 8
Son cœur n’est seul avec lui-même ! 8
35 Absent, présent, de loin, de près, 8
Tout plein de la beauté qu’il aime, 8
Il vit d’effroi, comme d’espoir, 8
Et son âme est toujours émue, 8
Ou de l’attente de la voir, 8
40 Ou du bonheur de l’avoir vue. 8
Le temps a fui ! Sous d’autres cieux, 8
Mon sort s’écoule solitaire ; 8
Mon cœur sans but n’a dans ces lieux 8
Plus rien qu’il craigne ou qu’il espère. 8
45 Le vent peut changer à son gré, 8
L'air être sombre ou sans nuage, 8
Je ne dis plus : «Je la verrai !» 8
Que me fait le calme ou l'orage ? 8
logo du CRISCO logo de l'université