Métrique en Ligne
PHI_1/PHI2
corpus Pamela Puntel
Gustave PHILIPPON
VIVE GAMBETTA !
1871
VIVE GAMBETTA !
Je me souviens du jour où l'écho répéta 12
Pour la première fois ton nom, ô Gambetta ! 12
La France subissait la dictature ignoble 12
Du dernier scélérat que le crime ait fait noble. 12
5 La jeunesse en ce jour a senti que le sang 12
Faisait battre le cœur, et l'espoir, renaissant, 12
Au prolétaire mit un sourire la lèvre ; 12
De la gauche les lions se sentirent la fièvre, 13
Et leurs vieux partisans s'accostaient ébahis : 12
10 A peine s'ils savaient ce nom de leur pays ! 12
Mais les plus entêtés durent bien reconnaître 12
Que les gens de la gauche avaient trouvé leur maître, 12
Et qu'ils étaient usés, et qu'ils devenaient vieux, 12
Et ton génie en fit un peuple d'envieux. 12
15 Sous des airs effarés, cachant mal leur colère, 12
Ils rêvèrent de toi comme de ministère. 12
Mais voyant des amis en d'indignes rivaux, 12
Tu leur tendis la main, homme de temps nouveaux ! 12
Et les traîtres futurs, en se crispant la face, 12
20 Donnaient l'air d'un sourire à leur laide grimace. 12
Quand l'aigle de l'Empire, au combat de Sedan, 12
Alla crever enfin, rassasié de sang, 12
Comme des chiens ayant d'un maître l'habitude, 12
Ils coururent encor se mettre en servitude 12
25 Et prirent pour idole un sot ambitieux, 12
Général aimant moins son pays que les cieux. 12
Afin de savourer du pouvoir les ivresses, 12
Connaissant ta vigueur autant que leurs faiblesses, 12
Pour attacher en paix des mensonges aux murs, 12
30 Il fallait se grouper entre compères sûrs 12
Et te mentir avant de mentir à la foule ; 12
Car, jaloux, ils savaient, comme elle, que le moule 12
Où Dieu t'avait pétri fut celui qui lui sert 12
A doter les pays de leurs hommes de fer ; 12
35 Et pour t'éloigner d'eux et de nous, Jules Favre 12
Te jura de léguer au peuple son cadavre, 12
De lutter l'arme en main sur le dernier pavé, 12
S'il devait à ce prix voir son pays sauvé, 12
Et tu quittas Paris, laissant ta confiance 12
40 A celui qui plus tard a démembré la France 12
Sans honte, quand l'oiseau, faible contre un enfant 12
Qui lui prend ses petits, de son bec défend. 11
Vos masques vont tomber, avocassiers et cuistres, 12
Dont la lèvre se plisse en sourires sinistres. 12
45 Tremblez ! il nous dira toute la vérité, 12
Celui que le soldat nomme son député1. 12
Courage, Gambetta, les jeunes se souviennent ! 12
Marche en avant toujours, leurs forces te soutiennent. 12
Ils ont remis ton nom dans l'urne du scrutin : 12
50 A la Chambre tu peux dresser un front hautain. 12
Ah ! n'en épargne aucun, l'homme qui ment est traître. 12
Démasque l'imposteur qui mentit comme un prêtre, 12
Capitulard maudit, vaincu de parti pris ! 12
Et prétend que c'est toi qui compromis Paris, 12
55 Moi je suis Parisien et l'appelle parjure. 12
Qu'il étouffe en voulant sur toi cracher l'injure ; 12
Qu'il se brise, impuissant, contre la vérité. 12
Chaque fois que sa bouche à tes pieds a jeté 12
Un mensonge nouveau, plus haut la renommée 12
60 A proclamé ton nom, et ta figure aimée 12
Se dressa dédaigneuse aux jeunes indignés. 12
— Vous tous, que les honneurs n'avaient pas épargnés, 12
De vos abus il faut enfin nous rendre compte ; 12
Avant d'être oubliés, il faut rougir de honte, 12
65 Vous aussi qui, gaiement, faites des calembourgs, 12
Pendant que de Paris brûlent les cent faubourgs ! 12
— A celui qui t'accuse avec la même audace 12
Qu'il mettait à flatter, jadis, la populace, 12
Massacrée aujourd'hui, montre cet égaré 12
70 Qui tombe, combattant près d'un homme taré, 12
Et ce fils qu'une femme a trouvé, froid cadavre, 12
En fouillant dans les morts. Ce spectacle le navre ; 12
Sans doute il reconnait ses anciens électeurs 12
Pour qui furent écrits tant de discours flatteurs ? 12
75 « Non, dit-il, ces bandits sont d'ignobles victimes, 12
Des monstres qui voulaient, avant leurs hideux crimes, 12
En masse se ruer, courir sus aux Prussiens, 12
Se donner Trochu comme meute de chiens, 11
Périr pour conserver Metz, Strasbourg à la France, 12
80 Vils troupeaux de pochards et guerriers à outrance ! » 12
Ah ! que la foudre, enfin, vous réduise à néant 12
Avec les égorgeurs de Metz et de Sedan ! 12
Un nom est resté pur après tant de misère ; 12
C'est un nom qui pour moi restera cri de guerre, 12
85 Que je chante aujourd'hui, nom d'un républicain 12
Qui dans le sang français n'a pas trempé la main ; 12
C'est le nom de celui qui rêve la vengeance, 12
Qui voulait conserver tous ses fils à la France, 12
Qui du feu dans le sein, non des larmes à l'œil, 12
90 Aurait péri plutôt que de la voir en deuil ; 12
Qui d'un ancien Gaulois avait encor la sève, 12
Ne signant de traité qu'ayant au poing son glaive, 12
Le front ceint de lauriers, d'une main de vainqueur, 12
Ou bien du dernier sang échappé de son cœur ! 12
Gambetta a été le premier sur la liste de l'armée à Paris, et cette dernière comprenait surtout les corps qui s'étaient battus en province pendant la guerre.
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