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Ah ! C’en est trop, Guillaume ! Oses-tu dans ta main |
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Conserver plus longtemps ton poignard inhumain ? |
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Le Dieu vengeur, qui marque au front les fratricides, |
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Absout-il les forfaits des tyrans homicides ?… |
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Assez de sang versé !… Le sombre aspect des morts |
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Aurait dû t’inspirer la crainte et le remords. |
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Songe qu’en allumant le foyer de la guerre, |
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Pour consumer l’église et brûler la chaumière, |
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Tu marches sur un sol où la cendre est de feu ! |
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Ton char n’y peut courir sans rougir son essieu ; |
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Et le fer qui rougit, en chauffant perd sa force ; |
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Il est ce qu’au bois dur est la flexible écorce. |
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Ton char doit donc périr dans son fougueux trajet |
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Si, régnant pour la guerre, elle t’a pour sujet. |
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Crois-tu qu’un cavalier se tient toujours en selle ? |
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A la longue il se lasse, à la longue il chancelle. |
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Ton coursier, qui vécut de l’herbe des tombeaux, |
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Laisse jaillir le sang du fond de ses naseaux ; |
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Il écume, il se cabre et mord parfois sa bride, |
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Ne pouvant mordre au vif l’assassin qui le guide ; |
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Car il sait des secrets qui font pâlir d’horreur ! |
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Tu vantes tes exploits, tu vantes la valeur |
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De tes soudards grisés par le vin et les crimes : |
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Dans nos champs ton cheval a compté les victimes |
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Que la mort moissonna comme des épis blonds… |
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Les boulets, les obus ont détruit nos maisons. |
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La flamme a dévoré nos biens, notre récolte ; |
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Et, refoulant en nous notre juste révolte, |
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Ton plomb cruel frappa le soldat défenseur : |
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Tu fusillas le frère à côté de la sœur ; |
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Le fils tomba mourant sur le sein de sa mère, |
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Et deux enfants gisaient sur les corps de leur père !… |
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Tu vis cela, Guillaume, et tu fus sans émoi ; |
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Ah ! qu’on a le cœur dur sous le manteau de roi ! |
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Si l’homme devient bronze en montant sur le trône, |
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Peuple ! brise à tes pieds la dernière couronne. |
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Quoi ! nos pauvres enfants mourront tous sans linceul |
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Et par décret du roi ! La volonté d’un seul |
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Doit-elle dominer la volonté des autres ? |
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Monarques, vos destins sont différents des nôtres : |
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Nous périssons pour vous ; mais vous, grands rois, jamais |
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On ne vous vit péris pour sauver vos sujets ! |
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C’est assez obéir à votre ordre suprême ; |
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Le cœur d’un fils vaut mieux qu’un riche diadème ! |
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Rois, gardez vos trésors ; laissez-nous nos enfants, |
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Ils sont chers au vieillard comme ses chevaux blancs ! |
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