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Évariste de PARNY
Œuvres complètes
tome I
1775-1806
POÉSIES ÉROTIQUES
LIVRE PREMIER
V
LA FRAYEUR
Te souvient-il, ma charmante maîtresse, 10
De cette nuit où. mon heureuse adresse 10
Trompa l'Argus qui garde tes appas ? 10
Furtivement j'arrivai dans tes bras, 10
5 Tu résistais ; mais ta bouche vermeille 10
A mes baisers se dérobait en vain ; 10
Chaque refus amenait un larcin. 10
Un bruit subit effraya ton oreille, 10
Et d'un flambeau tu vis l'éclat lointain. 10
10 Des voluptés tu passas à la crainte ; 10
L'étonnement vint resserrer soudain 10
Ton faible cœur palpitant sous ma main ; 10
Tu murmurais ; je riais de ta plainte : 10
Je savais trop que le dieu des amans 10
15 Sur nos plaisirs veillait dans ces momens. 10
Il vit tes pleurs ; Morphée, à sa prière, 10
Du vieil Argus que réveillaient nos jeux 10
Ferma bientôt et l'oreille et les yeux, 10
Et de son aile enveloppa ta mère. 10
20 L'Aurore vint, plus tôt qu'à l'ordinaire, 10
De nos baisers interrompre le cours ; 10
Elle chassa les timides Amours : 10
Mais ton souris, peut-être involontaire, 10
Leur accorda le rendez-vous du soir. 10
25 Ah ! si les dieux me laissaient Le pouvoir 10
De dispenser la nuit et la lumière, 10
Du jour naissant la jeune avant-courrière 10
Viendrait bien tard annoncer le soleil ; 10
Et celui-ci dans sa course légère 10
30 Ne ferait voir au haut de l'hémisphère 10
Qu'une heure ou deux son visage vermeil. 10
L'ombre des nuits durerait davantage, 10
Et les Amours auraient plus de loisir. 10
De mes instans l'agréable partage 10
35 Serait toujours au profit du plaisir. 10
Dans un accord réglé par la sagesse, 10
A mes amis j'en donnerais un quart ; 10
Le doux sommeil aurait semblable part, 10
Et la moitié serait pour ma maîtresse. 10
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