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Évariste de PARNY
Œuvres complètes
tome I
1775-1806
POÉSIES ÉROTIQUES
LIVRE SECOND
X
RETOUR A ÉLÉONORE
Ah ! si jamais on aima sur la terre, 10
Si d'un mortel on vit les dieux jaloux, 10
C'est dans le temps où, crédule et sincère, 10
J'étais heureux, et l'étais avec vous. 10
5 Ce doux lien n'avait point de modèle : 10
Moins tendrement le frère aime sa sœur, 10
Le jeune époux son épouse nouvelle, 10
L'ami sensible un ami de son cœur. 10
O toi, qui fus ma maîtresse fidèle, 10
10 Tu ne l'es plus ! Voilà donc ces amours 10
Que ta promesse éternisait d'avance ! 10
Ils sont passés ; déjà ton inconstance 10
En tristes nuits a changé mes beaux jours. 10
N'est-ce pas moi de qui l'heureuse adresse 10
15 Aux voluptés instruisit ta jeunesse ? 10
Pour le donner, ton cœur est-il à toi ? 10
De ses soupirs le premier fut pour moi, 10
Et je reçus ta première promesse. 10
Tu me disais : « Le devoir et l'honneur 10
20 Ne veulent point que je sois votre amante. 10
N'espérez rien : si je donnais mon cœur, 10
Vous tromperiez ma jeunesse imprudente : 10
On me l'a dit, votre sexe est trompeur. » 10
Ainsi parlait ta sagesse craintive ; 10
25 Et cependant tu ne me fuyais pas ; 10
Et cependant une. rougeur plus vive 10
Embellissait tes modestes appas ; 10
Et cependant tu prononçais sans cesse 10
Le mot d'amour qui causait ton effroi ; 10
30 Et dans ma main la tienne avec mollesse 10
Venait tomber pour demander ma foi. 10
Je la donnai, je te la donne encore. 10
J'en fais serment au seul dieu que j'adore, 10
Au dieu chéri par toi-même adoré ; 10
35 De tes erreurs j'ai causé la première ; 10
De mes erreurs tu seras la dernière. 10
Et si jamais ton amant égaré 10
Pouvait changer, s'il voyait sur la terre 10
D'autre bonheur que celui de te plaire, 10
40 Ah ! puisse alors le ciel, pour me punir, 10
De tes faveurs m'ôter le souvenir ! 10
Bientôt après, dans ta paisible couche 10
Par le plaisir conduit furtivement, 10
J'ai malgré toi recueilli de ta bouche 10
45 Ce premier cri si doux pour un amant ! 10
Tu combattais, timide Éléonore ; 10
Mais le combat fut bientôt terminé : 10
Ton cœur ainsi te l'avait ordonné. 10
Ta main pourtant me refusait encore 10
50 Ce que ton cœur m'avait déjà donné. 10
Tu sais alors combien je fus coupable ! 10
Tu sais comment j'étonnai ta pudeur ! 10
Avec quels soins au terme du bonheur 10
Je conduisis ton ignorance aimable ! 10
55 Tu souriais, tu pleurais à la fois ; 10
Tu m'arrêtais dans mon impatience ; 10
Tu me nommais, tu gardais le silence : 10
Dans les baisers mourut ta faible voix. 10
Rappelle-toi nos heureuses folies. 10
60 Tu me disais en tombant dans mes bras : 10
Aimons toujours, aimons jusqu'au trépas. 10
Tu le disais ! je t'aime, et tu m'oublies. 10
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