Métrique en Ligne
NOU_2/NOU88
Germain NOUVEAU
Valentines
et Autres Vers
1922
L’ÂME
Comme un exilé du vieux thème, 8
J’ai descendu ton escalier ; 8
Mais ce qu’a lié l’Amour même, 8
Le temps ne peut le délier. 8
5 Chaque soir quand ton corps se couche 8
Dans ton lit qui n’est plus à moi, 8
Tes lèvres sont loin de ma bouche ; 8
Cependant, je dors près de Toi. 8
Quand je sors de la vie humaine, 8
10 J’ai l’air d’être en réalité 8
Un monsieur seul qui se promène ; 8
Pourtant je marche à ton côté. 8
Ma vie à la tienne est tressée 8
Comme on tresse des fils soyeux, 8
15 Et je pense avec ta pensée, 8
Et je regarde avec tes yeux. 8
Quand je dis ou fais quelque chose, 8
Je te consulte, tout le temps ; 8
Car je sais, du moins, je suppose, 8
20 Que tu me vois, que tu m’entends. 8
Moi-même je vois tes yeux vastes, 8
J’entends ta lèvre au rire fin. 8
Et c’est parfois dans mes nuits chastes 8
Des conversations sans fin. 8
25 C’est une illusion sans doute, 8
Tout cela n’a jamais été ; 8
C’est cependant, Mignonne, écoute, 8
C’est cependant la vérité. 8
Du temps où nous étions ensemble, 8
30 N’ayant rien à nous refuser, 8
Docile à mon désir qui tremble, 8
Ne m’as-tu pas, dans un baiser, 8
Ne m’as-tu pas donné ton âme ? 8
Or le baiser s’est envolé, 8
35 Mais l’âme est toujours là, Madame ; 8
Soyez certaine que je l’ai. 8
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