Métrique en Ligne
NOU_2/NOU85
Germain NOUVEAU
Valentines
et Autres Vers
1922
LE CIDRE
Je veux en vider un grand litre. 8
C’est très chic le cidre, et d’abord 8
C’est le tien ! je l’aime à ce titre. 8
Il est clair, derrière sa vitre, 8
5 Comme une aube des Ciels du Nord. 8
C’était le cidre de Corneille, 8
Ne pas confondre avec le Cid : 8
Le premier sort de la bouteille, 8
L’autre, le casque sur l’oreille, 8
10 Doit venir de Valladolid. 8
C’était le cidre de Guillaume, 8
Duc des Normands pleins de valeur, 8
Qui fit, sur leur nouveau royaume, 8
Flotter les plumes de son heaume, 8
15 Plus doux que les pommiers en fleur ! 8
Ah ! vos pommiers criblés de pommes, 8
Savez-vous qu’ils ne sont pas laids ! 8
Il me semble que nous y sommes, 8
Non loin des flots, où sont les hommes, 8
20 Près du sable, où sont les mollets. 8
Et les pommes donc ! qui n’adore 8
Leurs jolis rouges triomphants ! 8
Qu’elles soient deux ou plus encore ; 8
Sans les pommes que l’on dévore, 8
25 Personne ne ferait d’enfants. 8
L’humanité serait peu flère ; 8
Vos cœurs, Femmes, seraient glacés. 8
Sans les pommes… qu’avait ton père, 8
Sans celles qu’adorait ma mère 8
30 Oh !… plutôt trop, que pas assez. 8
Ah ! bienheureuses sont les branches, 8
Qui cachent, dans leur gai fouillis, 8
Le cidre d’Harfleur ou d’Avranches, 8
Que l’on boit gaiement, les dimanches, 8
35 Aux cabarets de ton pays ! 8
Et bienheureux sont ceux qui portent 8
Ces fruits dans toutes leurs saveurs ; 8
Que jamais, jamais ils n’avortent, 8
Puisque aussi bien c’est d’eux que sortent 8
40 Les Buveuses et les Buveurs ! 8
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