Métrique en Ligne
NOU_2/NOU63
Germain NOUVEAU
Valentines
et Autres Vers
1922
LA DÉESSE
J’adore la Mythologie, 8
Sa science en fleurs, sa magie, 8
Ses Dieux… souvent si singuliers, 8
Et ses Femmes surnaturelles 8
5 Qui mêlent leurs noms aux querelles 8
Des peuples et des écoliers. 8
Cachés parfois dans les nuages, 8
Leurs noms luisent… sur nos voyages. 8
J’ai vu leurs temples phéniciens ; 8
10 Et je songe, quand bat la diane, 8
Involontairement à Diane 8
Battant les bois avec ses chiens. 8
Tenez, Madame, je l’adore 8
Pour une autre raison encore : 8
15 C’est qu’elle offre à tous les amants, 8
Pour leur Belle entre les plus belles, 8
Des compliments par ribambelles 8
Dans d’éternels rapprochements. 8
Car toutes, ce sont des Déesses, 8
20 Leur inspirant mille prouesses 8
Dans le présent et l’avenir, 8
Comme dans le passé… farouche ; 8
Je me ferai casser la… bouche 8
Plutôt que n’en pas… convenir ! 8
25 Mais Vous, Madame, l’Immortelle 8
Que vous êtes, qui donc est-elle ? 8
Est-ce Junon, Reine des Dieux, 8
À qui le plus… joyeux des Faunes, 8
Son homme en faisait voir de jaunes, 8
30 Étant coureur de… jolis lieux ? 8
Avec son beau masque de plâtre 8
Et sa lèvre blanche, idolâtre 8
D’Endymion, froid sigisbé, 8
Qui, dans sa clarté léthargique, 8
35 Dort au moment psychologique, 8
Est-ce la Déesse Phœbé ? 8
Foutre non !… Vous voyant si belle 8
Je dirais bien que c’est Cybèle, 8
S’il n’était de ces calembours 8
40 Qu’il faut laisser fleurir aux Halles… 8
Pourtant ces jeux pleins de cymbales 8
Égayaient Rome, et les faubourgs… 8
Je me hâte, est-ce Proserpine, 8
Reine des enfers ? quelle épine 8
45 Ce serait dans mon madrigal, 8
Sacré nom de Dieu !… ça vous blesse ? 8
Eh ! bien ! Sacré nom de Déesse ! 8
Si vous voulez, ça m’est égal ! 8
Je vous servirais Amphitrite 8
50 Comme on sert bien frite ou peu frite 8
Une friture de poissons, 8
Sans le : « Perfide comme l’onde », 8
Car, vous avez pour tout le monde 8
Le cœur le plus loyal… passons. 8
55 Oui, passons ta plus belle éponge 8
Sur ces noms, Neptune ! eh ! j’y songe : 8
Pourquoi prendrais-je… trop de gants ? 8
À contempler votre visage 8
Plus doux qu’un profond paysage, 8
60 Ton galbe des plus élégants, 8
Vous êtes ?… Vous êtes ?… Vous êtes ?… 8
Je le donne en deux aux poètes, 8
Je le donne en trois aux sculpteurs, 8
Je le donne en quatre aux artistes, 8
65 En quatre ou cinq aux coloristes 8
De l’École des amateurs… 8
Puisqu’il faut que je vous le… serve, 8
Vous êtes Vénus, ou Minerve… 8
Mais laquelle, en réalité ? 8
70 Oui, la femme à qui je songe, est-ce 8
Minerve, ce Puits de Sagesse, 8
Ou Vénus, Astre de Beauté ? 8
Êtes-Vous puits ? Êtes-Vous Astre ? 8
Vous un puits ! quel affreux désastre ! 8
75 Autant Te jeter dans un puits, 8
La plaisanterie est permise, 8
Sans Te retirer ta chemise, 8
Le temps de dire : Je Te suis. 8
Vous seriez la vérité fausse, 8
80 Qui tient trop à son haut-de-chausse, 8
Tandis que l’Astre de Beauté 8
C’est la Vérité qui ne voile 8
Pas plus la femme que l’étoile, 8
La véritable Vérité. 8
85 Vous êtes Vénus qui se lève 8
Au firmament ; mais… est-ce un rêve ? 8
Où ?… Je Vous vois… rougir… un peu, 8
Comme si je disais des choses… 8
Où si j’allais sans fins ni causes 8
90 Répéter : Sacré nom de Dieu ! 8
Vous rougissez… oui, c’est le signe 8
Auquel on connaît si la vigne 8
Et si la femme sont à point : 8
C’est Cérès aussi qu’on vous nomme ? 8
95 Tant mieux ! Sacré nom… d’une pomme ! 8
Pour moi je n’y contredis point. 8
Non ?… ce n’est pas Cérès ? bizarre ! 8
Cependant, Madame, il est rare, 8
Rare… que je frappe à côté. 8
100 Quelle est donc, voyons ? par la cuisse 8
De Jupin ! la femme qui puisse 8
Ainsi rougir de sa beauté ? 8
Ce n’est pas Bellone ? la Guerre, 8
Nom de Dieu ! ça ne rougit guère… 8
105 Qu’un champ,… un fleuve… ou le terrain ; 8
Ce n’est pas Diane chasseresse, 8
Car cette bougre de Bougresse 8
Doit être un démon à tous crins ! 8
Serait-ce ?… Serait-ce ?… Serait-ce ? 8
110 Minerve ? Après tout, la Sagesse 8
Est bien capable de rougir ; 8
Mais ce n’est qu’une mijaurée, 8
Les trois quarts du temps éplorée 8
Et qui tremble au moment d’agir… 8
115 Tiens ! Cependant, ce serait drôle ! 8
Je percherais sur ton épaule, 8
Je me frotterais à ton cou, 8
Je serais votre oiseau, Madame, 8
J’ai les yeux ronds pleins de ta flamme 8
120 Et plus éblouis qu’un hibou… 8
Voilà deux heures que je cherche, 8
Personne ne me tend la perche : 8
C’est donc une énigme, cela ? 8
Oui… quant à moi, de guerre lasse, 8
125 Madame, je demande grâce ; 8
Tiens ! Grâce !… et pardieu ! la voilà ! 8
C’est la Grâce, oui, c’est bien la Grâce, 8
La Grâce, ni maigre ni grasse, 8
Tenez, justement, comme Vous ! 8
130 Vous êtes, souffrez que je beugle, 8
Vénus l’Astre qui nous aveugle, 8
Et la Grâce qui nous rend fous. 8
Et si quelqu’un venait me dire 8
Qu’elles sont trois, je veux en rire 8
135 Avec tout l’Olympe à la fois ! 8
Celle du corps, celle de l’âme, 8
Et celle du cœur, oui, Madame, 8
Vous les avez toutes les trois. 8
Vous êtes Vénus naturelle, 8
140 Entraînant un peu derrière Elle 8
Les trois Grâces par les chemins, 8
Comme Vous-même toutes nues, 8
Dans notre Monde revenues, 8
Vous tenant toutes par les mains. 8
145 Vénus, née au bord de la Manche, 8
Pareille à l’Aphrodite blanche 8
Que l’onde aux mortels révéla ; 8
Au bord… où fleurit… la Cabine : 8
Sacré nom… d’une carabine ! 8
150 Quel calibre Vous avez là ! 8
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