Métrique en Ligne
NOA_2/NOA281
Anna de NOAILLES
Poèmes de l'Amour
1924
CLIII
Il faudra bien pourtant que le jour vienne, un jour, 12
Où je ne pourrai plus t’aimer, 8
Où mon cœur sera dur, mon esprit sombre et sourd, 12
Ma main froide et mes yeux fermés ! 8
5 Cet inutile effort pour ne pas te quitter, 12
Ce vain espoir de vivre encor, 8
L’horreur de déserter ma place à ton côté, 12
C’est cela, rien d’autre, la mort ! 8
— Ce n’est plus cette angoisse et ce scandale altier 12
10 De sombrer dans un noir séjour, 8
De ne plus se sentir robuste et de moitié 12
Dans tous les mouvements du jour ! 8
Ce n’est plus ce regret et ce décent orgueil 12
D’adresser aux cieux constellés 8
15 L’adieu méditatif et stupéfait d’un œil 12
Qui fut à leurs astres mêlé, 8
— Mais n’être plus, parmi les humains inconnus, 12
Qui vont chacun à leur labeur, 8
La main forte et fidèle où tes doigts ont tenu, 12
20 Le sein où s’est posé ton cœur ; 8
N’être plus le secret qui dit : C’est moi qui prends 12
Ce qui te tourmente et te nuit ; 8
N’être plus ce désir anxieux et souffrant 12
Qui songe à ton sommeil, la nuit ; 8
25 N’être plus ce brasier, qui tient ses feux couverts, 12
Dont parfois tu n’as pas besoin ! 8
Mais qui saurait t’offrir un brûlant univers, 12
Si tes vœux réclamaient ce soin. 8
N’avoir plus, — ayant tout acquis et possédé, — 12
30 Cette tâche, modeste enfin, 8
De pouvoir, sans emphase, être prête à t’aider 12
Quand ton esprit a soif et faim, 8
Voilà ce qui m’effraie et comble de douleur 12
Une âme à présent sans fierté. 8
35 — Car j’ai vraiment rendu de suffisants honneurs 12
Aux cieux inhumains de l’été !… 8
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