Métrique en Ligne
NOA_2/NOA252
Anna de NOAILLES
Poèmes de l'Amour
1924
CXXIV
Quand je suis ivre de tourment, 8
Gisant malade au fond du gouffre, 8
Je ne me meurs pas faiblement, 8
C’est par ma force que je souffre. 8
5 Par tant de force, et par l’essai 8
De calmer l’âme belliqueuse ! 8
Qui peut comprendre cet excès ? 8
La douleur, c’est ce que l’on sait, 8
La douleur n’est pas partageuse. 8
10 Elle est notre savoir secret, 8
Notre silence, quoi qu’on fasse ; 8
Si nos cris remplissaient l’espace, 8
Personne encore ne saurait ; 8
La douleur, c’est le point de rage 8
15 Où le sort le plus redouté 8
Vient défier notre courage ; 8
La douleur, c’est la volonté, 8
La volonté des cœurs sans bornes, 8
Bondissants comme des taureaux, 8
20 Qui, le front dur, le regard morne, 8
L’épée ancrée entre les cornes, 8
Sont étonnés de souffrir trop ! 8
— Ô volonté simple et féroce, 8
Que tout méprise et veut dompter, 8
25 Toi qui connais la gloire atroce 8
De ne pouvoir pas accepter, 8
C’est toi l’horreur et la noblesse 8
Du désir qui, triste, assagi, 8
Ne saigne plus quand tout le blesse, 8
30 Et qui se tait quand il rugit ! 8
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