Métrique en Ligne
NOA_2/NOA242
Anna de NOAILLES
Poèmes de l'Amour
1924
CXIV
Tu as ta force, j’ai ma ruse ; 8
Ta force est d’être ce que j’aime, 8
Elle est dans ta faiblesse même. 8
— Mais parfois mon instinct plaintif 8
5 Écoute d’un cœur attentif 8
Ma passion pour toi qui s’use. 8
Tu ne peux t’en douter, sachant 8
Qu’on n’épuise jamais mon âme, 8
Tu n’entends pas mon secret blâme, 8
10 Ni ce léger chant triomphant 8
D’une ardeur que le temps entame. 8
Tu restes calme et confiant. 8
— Mais moi, épiant ma détresse, 8
Je perçois jusqu’au battement 8
15 Plus délicat de mon ivresse ; 8
Je goûte, — lourde et sans tourment, — 8
Une consolante paresse. 8
— Ah ! si je pouvais oublier 8
Ces instants courts, rares, extrêmes, 8
20 Où, mes doigts à tes bras liés, 8
Je poursuis en ton cœur pillé 8
Je ne sais quel plus pur moi-même, 8
Je déferais mon cœur du tien, 8
Et, recouvrant mon amplitude, 8
25 J’irais vers cette solitude 8
En qui tout être m’appartient !… 8
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