Métrique en Ligne
NOA_2/NOA222
Anna de NOAILLES
Poèmes de l'Amour
1924
XCIV
Je t’aimais par les yeux, je puis 8
Me détourner de ton visage, 8
Te parler sans boire à ce puits 8
De ton regard vibrant et sage. 8
5 Je t’accosterai comme font 8
Les prêtres avec les abbesses ; 8
Plus rien ne trouble et ne confond 8
Une paupière qui s’abaisse. 8
Si terrible que soit l’amour, 8
10 Si spontané, ferme, invincible, 8
Le cœur heureux l’aidait toujours… 8
Mais tu me seras invisible. 8
Grave, je porterai le deuil, 8
Que nul hormis toi ne soupçonne, 8
15 De dédaigner sur ta personne 8
L’injuste beauté de ton œil. 8
Quand ta voix engageante et tiède 8
Voudra reprendre le chemin 8
De mon cœur, qui te vint en aide 8
20 Avec la douceur de mes mains, 8
J’aurai cet aspect d’infortune 8
Qui surprend et fait hésiter ; 8
Tu pourras, sombre iniquité, 8
Croire enfin que tu m’importunes ! 8
25 Comment me nuirait désormais 8
Ton fin et vivant paysage 8
Si mes yeux n’abordent jamais 8
Son délicat coloriage ? 8
Si jamais je ne me repais 8
30 De la nourriture irritante 8
Par quoi je détruisais ma paix ? 8
Si plus rien en toi ne me tente ? 8
— Et qu’étais-tu, toi que j’ai craint 8
Plus que toute mort et tout blâme, 8
35 Si ton charme succombe au frein 8
Du noble souci de mon âme ? 8
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