Métrique en Ligne
NOA_2/NOA212
Anna de NOAILLES
Poèmes de l'Amour
1924
LXXXIV
Il n’est pas vrai qu’on soit orgueilleux d’aimer tant, 12
Et que d’un œil d’aigle on regarde 8
Les passants affairés, indifférents, contents, 12
Noyés de lumière blafarde. 8
5 Il n’est pas vrai qu’un grave et poignardant amour 12
Isole noblement le rêve ; 8
Nul ne dit les combats dont l’assaille sans trêve 12
Le désir, conflit sombre et sourd ! 8
Il n’est pas vrai que l’âme altière et transportée 12
10 Bénisse son cruel fardeau. 8
Même si l’on paraît éblouie et hantée, 12
L’on ne vit qu’en courbant le dos. 8
— Comment se réjouir d’avoir livré sa chance 12
À l’étranger vague et secret 8
15 Qui, selon sa rieuse ou grave nonchalance, 12
Nous emmêle à son sort distrait ? 8
— Ah ! pouvoir n’aimer pas celui qu’on aime ! N’être 12
Pas l’esclave d’un beau vivant ! 8
Vivre libre, espérer, choisir, vouloir, connaître ! 12
20 Fendre l’azur comme le vent ! 8
Ne pas être liée avec de durs cordages, 12
Secs et fermés comme des poings, 8
Au charme inévitable et fortuit d’un visage, 12
Qu’on eût pu ne rencontrer point ! 8
25 N’avoir pas transféré sa digne solitude, 12
Unique et nombreuse à la fois, 8
Dans un corps dont les yeux, la voix, la lassitude 12
Semblent sacrés ou bien narquois ! 8
Ne pas être obligée à constater sans cesse 12
30 Que rien ne nous est plus soumis, 8
Et que, ne nous laissant qu’une atroce paresse, 12
Notre cœur bat dans l’ennemi !… 8
logo du CRISCO logo de l'université