Métrique en Ligne
NOA_2/NOA178
Anna de NOAILLES
Poèmes de l'Amour
1924
L
Quand l’argentine nuit se répand dans l’espace, 12
Quand l’homme sans soleil rentre dans ses maisons, 12
La terre fait monter à sa calme surface, 12
Ainsi qu’une amoureuse et secrète saison, 12
5 Le tumulte animal, délicat et vorace, 12
Qui semble avoir brisé de célestes prisons 12
Ou déchiré les rets d’une invisible nasse… 12
Comme un clair ricochet d’étoile sur les eaux, 12
Dont les lueurs seraient faiblement inégales, 12
10 Un crapaud, retiré dans la paix des roseaux, 12
Fait gonfler et crever entre de courts repos 12
Ses deux bulles d’air musicales… 8
— Invisibles, menus et pourtant solennels, 12
Les insectes, l’oiseau, les aromes s’emparent 12
15 De l’ombre, où leur éclat est confidentiel ; 12
Ce grand fourmillement d’érotiques appels 12
S’entasse dans l’éther et pourtant se sépare, 12
Comme si le plaisir restait toujours avare 12
De son rêve exigu joint à l’universel ; 12
20 — Si l’homme vient rêver parmi ces grands cantiques, 12
Quand l’animal désir, comme un sachet plus lourd, 12
Se suspend à la nuit, plus ample que les jours, 12
Et lui livre l’aveu exultant et pudique 12
De ses chants de métal, nets et mélancoliques, 12
25 Il demeure étonné, dans sa grandeur mystique, 12
D’avoir tous les pensers sans avoir tout l’amour ! 12
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