Métrique en Ligne
NOA_2/NOA174
Anna de NOAILLES
Poèmes de l'Amour
1924
XLVI
Ce n’est peut-être pas le tribut que réclame 12
Un cœur profond et délicat, 8
Cet amour allongé qui vient comme une lame 12
Frapper la rive avec fracas. 8
5 Ne pouvant pas comprendre et juger ce qu’on aime, 12
On ne fait que doubler son cœur ; 8
On est comme on voudrait que l’on fût pour soi-même ; 12
Mais l’abondance a ses erreurs ! 8
— Ne livrons pas à ceux qu’un faible élan contente 12
10 L’univers que nous possédons ; 8
Transmettre, en exultant, l’espace qui nous hante 12
Est un fardeau autant qu’un don. 8
La passion contient l’amour avec la hargne, 12
Et son orage est maladroit ; 8
15 Peut-être faudrait-il que parfois l’on épargne 12
Les cœurs étonnés d’être étroits ! 8
Déguisons la fierté de nous sentir prodigues ; 12
— Que pèse notre orgueil du feu 8
Devant la pauvreté de notre être qui brigue 12
20 La faveur d’obtenir un peu ! 8
Devenons attentifs à ces âmes choisies 12
Que l’on goûte à travers leurs corps ; 8
Contraignons, en souffrant, l’altière fantaisie, 12
— Aimer moins est si fort encor ! 8
25 Il n’est pas, pour nouer une divine attache, 12
Que ces excès mal assainis. 8
— Mais vraiment, se peut-il qu’auparavant l’on sache 12
Que l’on blesse par l’infini ? 8
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