Métrique en Ligne
NOA_2/NOA162
Anna de NOAILLES
Poèmes de l'Amour
1924
XXXIV
Le temps n’a pas toujours une égale valeur, 12
Tu cours et je suis immobile, 8
Je t’attends ; cela met quelque chose en mon cœur 12
De frénétique et de débile ! 8
5 J’entame avec l’instant un infime combat 12
Que départage le silence. 8
L’heure, qui tout d’abord semblait me parler bas, 12
Frappe soudain à coups de lance. 8
Elle semble savoir, et garder son secret, 12
10 Le destin se confie à elle ; 8
On ne pénètre pas dans cette ample forêt 12
Où rien n’est promis ni fidèle ! 8
— Puisque la passion, en son sauvage trot, 12
Gaspille sa richesse amère, 8
15 Révérons ces instants de la vie éphémère 12
Dont chacun nous semblait de trop ! — 8
Attendre : épuisement sanglant de l’espérance, 12
Tentative vers le hasard, 8
Hâte qui se prolonge, indécise souffrance 12
20 De savoir s’il est tôt ou tard ! 8
Impatience juste, exigeante et soumise, 12
À qui manque, pour bien lutter, 8
Le pouvoir défendu de refaire à sa guise 12
L’univers puissant et buté ! 8
25 — Certes, mon cœur ne veut te faire aucun reproche 12
Des minutes que tu perdais ; 8
Tu me savais vivante, active, sûre et proche, 12
Moi, cependant, je t’attendais ! 8
Sans doute la démente et subite tristesse 12
30 Qui se mêle aux jeux éperdus 8
Est le profond sanglot refoulé que nous laisse 12
La douleur d’avoir attendu !… 8
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