Métrique en Ligne
NOA_2/NOA151
Anna de NOAILLES
Poèmes de l'Amour
1924
XXIII
Je n’attends pas de la Nature 8
Qu’elle ajoute à mon cœur fougueux 8
Par sa lumière et sa verdure, 8
Et pourtant le printemps m’émeut : 8
5 Ces mille petits paysages 8
Que forment les arbres légers 8
Gonflés d’un transparent feuillage 8
M’arrêtent et me font songer. 8
Je songe, et je vois que ton être, 8
10 Que je n’entourais que d’amour, 8
Me touche bien quand le pénètre 8
Le subit éclat des beaux jours ! 8
Sous cet azur tu ne ressembles 8
Plus à toi seul, mais à mes vœux, 8
15 À ce grand cœur aventureux, 8
Aux voyages qu’on fait ensemble, 8
Aux villes où l’on est soudain 8
Rapprochés par le romanesque, 8
Où la tristesse et l’ennui presque 8
20 Exaltent le suave instinct. 8
— J’imagine que la musique, 8
La chaleur, la soif, les dangers, 8
Rendraient le plaisir frénétique 8
Dans la maison des étrangers ! 8
25 Il ne serait pas nécessaire 8
Que tu comprisses ces besoins, 8
Tu pourrais languir et te taire, 8
Dans l’amour l’un seul a des soins. 8
Mais si je ne dois te connaître 8
30 Que dans un indolent séjour, 8
Loin des palais où les fenêtres 8
Montrent les palmiers dans les cours, 8
Loin de ces rives chaleureuses 8
Où, les nuits, les âmes rêvant 8
35 Prennent, dans l’ardeur amoureuse, 8
Les cieux constellés pour divan, 8
Si jamais, — bonheur de naguère, 8
Enfance ! attente ! volupté ! — 8
Nous ne goûtons la joie vulgaire 8
40 Et tendre, dans les soirs d’été, 8
De voir que flamboie et fait rage 8
La foire dans un petit bourg, 8
Et que le cirque et son tapage 8
Viennent s’immiscer dans l’amour, 8
45 Je me bornerai à ta vie, 8
Aux limites de tes souhaits, 8
Repoussant le dieu qui convie 8
À fuir la tendresse et la paix… 8
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