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Je me défends de toi chaque fois que je veille, |
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J'interdis à mon vif regard, à mon oreille, |
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De visiter avec leur tumulte empressé |
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Ce cœur désordonné où tes yeux sont fixés. |
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J'erre hors de moi-même en négligeant la place |
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Où ton clair souvenir m'exalte et me terrasse. |
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Je refuse à ma vie un baume essentiel. |
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Je peux, pendant le jour, ne pas goûter au miel |
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Que ton rire et ta voix ont laissé dans mon âme, |
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Où la plaintive faim brusquement me réclame… |
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— Mais la nuit je n'ai pas de force contre toi, |
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Mon sommeil est ouvert, sans portes et sans toit. |
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Tu m'envahis ainsi que le vent prend la plaine. |
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Tu viens par mon regard, ma bouche, mon haleine |
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Par tout l'intérieur et par tout le dehors. |
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Tu entres sans débats dans mon esprit qui dort. |
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Comme Ulysse, pieds nus, débarquait sur la grève ; |
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Et nous sommes tout seuls, enfermés dans mon rêve. |
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Nous avançons furtifs, confiants, hasardeux, |
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Dans un monde infini où l'on ne tient que deux. |
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Un mur prudent et fort nous sépare des hommes, |
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Rien d'humain ne pénètre aux doux lieux où nous sommes. |
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Les bonheurs, les malheurs n'ont plus de sens pour nous ; |
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Je recherche la mort en pressant tes genoux, |
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Tant mon amour a hâte et soif d'un sort extrême, |
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Et tu n'existes plus pour mon cœur, tant je t'aime ! |
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Mon vertige est scellé sur nous comme un tombeau. |
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— Ce terrible moment est si brûlant, si beau, |
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Que lorsque lentement l'aube teint ma fenêtre, |
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C'est en me réveillant que je crois cesser d'être… |
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