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MUS_5/MUS197
Alfred de MUSSET
POÉSIES ATTRIBUÉES A ALFRED DE MUSSET
1857
Inno Ebrioso
Que le Chypre embrasé circule dans mes veines ! 12
Effaçons de mon cœur les espérances vaines, 12
Et jusqu’au souvenir 6
Des jours évanouis, dont l’importune image 12
5 Comme au fond d’un lac pur un ténébreux nuage 12
Troublerait l’avenir ! 6
Oublions, oublions ! La suprême sagesse 12
Est d’ignorer les jours épargnés par l’ivresse, 12
Et de ne pas savoir 6
10 Si la veille était sobre, ou si de nos années 12
Les plus belles déjà disparaissaient, fanées 12
Avant l’heure du soir. 6
Qu’on m’apporte un flacon, que ma coupe remplie 12
Déborde, et que ma lèvre, en plongeant dans la lie 12
15 De ce flot radieux, 6
S’altère, se dessèche et redemande encore 12
Une chaleur nouvelle à ce vin qui dévore 12
Et qui m’égale aux dieux ! 6
Sur mes yeux éblouis, qu’un voile épais descende, 12
20 Que ce flambeau confus pâlisse ! et que j’entende, 12
Au milieu de la nuit, 6
Le choc retentissant de vos coupes heurtées, 12
Comme sur l’Océan les vagues agitées 12
Par le vent qui s’enfuit ! 6
25 Si mon regard se lève au milieu de l’orgie, 12
Si ma lèvre tremblante et d’écume rougie, 12
Va cherchant un baiser, 6
Que mes désirs ardents sur les épaules nues 12
De ces femmes d’amour, pour mes plaisirs venues, 12
30 Ne puissent s’apaiser. 6
Qu’en mon sang appauvri leurs caresses lascives 12
Rallument aujourd’hui les ardeurs convulsives 12
D’un prêtre de vingt ans, 6
Que les fleurs de leurs fronts soient par mes mains semées, 12
35 Que j’enlace à mes doigts les tresses parfumées 12
De leurs cheveux flottants. 6
Que ma dent furieuse à leur chair palpitante. 12
Arrache un cri d’effroi ; que leur voix haletante 12
Me demande merci ! 6
40 Qu’en un dernier effort mes soupirs se confondent, 12
Par un dernier défi que nos cris se répondent 12
Et que je meure ainsi ! 6
Ou si Dieu me refuse une mort fortunée ; 12
De gloire et de bonheur à la fois couronnée, 12
45 Si je sens mes désirs, 6
D’une rage impuissante immortelle agonie, 12
Comme un pâle reflet d’une flamme ternie, 12
Survivre à mes plaisirs ; 6
De mon maître jaloux, insultant le caprice, 12
50 Que ce vin généreux abrège le supplice 12
Du corps qui s’engourdit ; 6
Dans un baiser d’adieu que nos lèvres s’étreignent, 12
Qu’en un sommeil glacé tous mes désirs s’éteignent, 12
Et que Dieu soit maudit. 6
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