Métrique en Ligne
MUS_4/MUS170
Alfred de MUSSET
POÉSIES POSTHUMES
1824-1857
En lisant le journal
Même en pleurant, même en tremblant, 8
Même étourdi par ton tonnerre, 8
Je n’aurais pu suivre sur terre, 8
César, ton éperon sanglant, 8
5 Ni toi, belle âme mal coiffée, 8
Gros débauché de Mirabeau, 8
Dont la perruque ébouriffée 8
Remplit un immense tombeau. 8
Mais si deux figures pareilles 8
10 Habitaient dans ce pays-ci, 8
Devant leurs yeux, à leurs oreilles 8
Qui donc viendrait parler ainsi ? 8
L’on nous menace de nous battre 8
Entre deux bateaux à vapeur, 8
15 Et l’on nous dit : « Un contre quatre ! » 8
Et l’on nous propose la peur. 8
Que disait donc cet imbécile 8
Dans son grand vieux cœur innocent, 8
Quand il tombait à Belleville 8
20 Noir de poudre et rouge de sang ? 8
« Ils sont trop ! » Mais l’Europe entière 8
S’était alors mise en chemin, 8
Ce spectre dans son cimetière 8
S’avançait le sabre à la main ! 8
25 Français, succès ; — gloire, victoire ; 8
Si tout cela rime à peu près, 8
Chez nous, du moins on devrait croire 8
Que le hasard l’a fait exprès ! 8
Depuis qu’en un autre langage, 8
30 On a si bien parlementé, 8
Il nous pousse un nouveau courage ; 8
L’audace de la lâcheté. 8
Ce journal qui vous rompt la tête 8
Fait venir les larmes aux yeux, 8
35 Et pourtant, pourtant, c’est bien bête, 8
C’est bien enfant et c’est bien vieux. 8
Et je lisais pourtant près d’elle, 8
Ce long discours fade et malsain ; 8
Son noble cœur — qu’elle était belle ! — 8
40 Battait tout entier dans son sein. 8
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