Métrique en Ligne
MUR_1/MUR9
Henri MURGER
Les Nuits d'hiver
1861
LA CHANSON DE MUSETTE
Hier, en voyant une hirondelle 8
Qui nous ramenait le printemps, 8
Je me suis rappelé la belle 8
Qui m'aima quand elle eut le temps. 8
5 Et pendant toute la journée, 8
Pensif, je suis resté devant 8
Le vieil almanach de l'année 8
Où nous nous sommes aimés tant. 8
Non, ma jeunesse n'est pas morte, 8
10 Il n'est pas mort ton souvenir ; 8
Et si tu frappais à ma porte, 8
Mon cœur, Musette, irait t'ouvrir. 8
Puisqu'à ton nom toujours il tremble, 8
Muse de l'infidélité, 8
15 Reviens encor manger ensemble 8
Le pain béni de la gaîté. 8
Les meubles de notre chambrette, 8
Ces vieux amis de notre amour, 8
Déjà prennent un air de fête 8
20 Au seul espoir de ton retour. 8
Viens, tu reconnaîtras, ma chère, 8
Tous ceux qu'en deuil mit ton départ, 8
Le petit lit — et le grand verre 8
Où tu buvais souvent ma part. 8
25 Tu remettras la robe blanche 8
Dont tu te parais autrefois, 8
Et comme autrefois, le dimanche, 8
Nous irons courir dans les bois. 8
Assis le soir sous la tonnelle, 8
30 Nous boirons encor ce vin clair 8
Où ta chanson mouillait son aile 8
Avant de s'envoler dans l'air. 8
Dieu, qui ne garde pas rancune 8
Aux méchants tours que tu m'as faits, 8
35 Ne refusera pas la lune 8
À nos baisers, sous les bosquets. 8
Tu retrouveras la nature 8
Toujours aussi belle, et toujours, 8
ô ma charmante créature, 8
40 Prête à sourire à nos amours. 8
Musette qui s'est souvenue, 8
Le carnaval étant fini, 8
Un beau matin est revenue, 8
Oiseau volage, à l'ancien nid ; 8
45 Mais en embrassant l'infidèle, 8
Mon cœur n'a plus senti d'émoi, 8
Et Musette, qui n'est plus elle, 8
Disait que je n'étais plus moi. 8
Adieu, va-t'en, chère adorée, 8
50 Bien morte avec l'amour dernier ; 8
Notre jeunesse est enterrée 8
Au fond du vieux calendrier. 8
Ce n'est plus qu'en fouillant la cendre 8
Des beaux jours qu'il a contenus, 8
55 Qu'un souvenir pourra nous rendre 8
La clef des paradis perdus. 8
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