Métrique en Ligne
MUR_1/MUR4
Henri MURGER
Les Nuits d'hiver
1861
OPHÉLIA
Sur un lit de sable, entre les roseaux, 10
Le flot nonchalant murmure une gamme 10
Et dans sa folie, étant toujours femme, 10
L'enfant se pencha sur les claires eaux. 10
5 Sur les claires eaux tandis qu'elle penche 10
Son pâle visage et le trouve beau, 10
Elle voit flotter au courant de l'eau 10
Une herbe marine, à fleur jaune et blanche. 10
Dans ses longs cheveux elle met la fleur, 10
10 Et dans sa folie, étant toujours femme, 10
À ce ruisseau clair, qui chante une gamme, 10
L'enfant mire encor sa fraîche pâleur. 10
Une fleur du ciel, une étoile blonde 10
Au front de la nuit tout à coup brilla, 10
15 Et, coquette aussi comme Ophélia, 10
Mirait sa pâleur au cristal de l'onde. 10
La folle aperçoit au milieu de l'eau 10
L'étoile reluire ainsi qu'une flamme, 10
Et dans sa folie, étant toujours femme, 10
20 Elle veut avoir ce bijou nouveau. 10
Elle étend la main pour cueillir l'étoile 10
Qui l'attire au loin par son reflet d'or, 10
Mais l'étoile fuit ; elle avance encor : 10
Un soir, sur la rive on trouve son voile. 10
25 Sa tombe est au bord de ces claires eaux, 10
Où, la nuit, Stella vint mirer sa flamme, 10
Et le ruisseau clair, qui chante une gamme 10
Roule vers le fleuve entre les roseaux. 10
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