Métrique en Ligne
MUR_1/MUR22
Henri MURGER
Les Nuits d'hiver
1861
ANTITHÈSE
C'est un asile pauvre, une retraite austère 12
Où s'est clos, dans l'étude, un hôte solitaire. 12
Le jour, il dort ; la nuit, 6
Pour se mettre à son œuvre il se relève, allume 12
5 Sur sa table boiteuse une lampe qui fume, 12
Et qui veille avec lui. 6
Dans l'âtre mort la cendre en talus s'amoncelle 12
Et le grillon frileux, amant de l'étincelle, 12
N'en voyant plus, hélas ! 6
10 Cesse de lamenter sa plainte accoutumée 12
Sur le vieux chenet-sphinx où la bûche enflammée 12
Se tordait en éclats. 6
Et pourtant au dehors souffle une bise aiguë ; 12
Sous de triples manteaux le passant, dans la rue, 12
15 Sent les ongles du froid ; 6
L'étoile a des frissons dans la sphère divine, 12
Et la neige épaissit la fourrure d'hermine 12
Dont s'est vêtu le toit. 6
Aux vitres, où le vent par la fêlure glisse, 12
20 Le givre, en burinant son étrange caprice, 12
A déjà fait saillir 6
Une souple arabesque où se tord en spirale 12
Le feuillage irisé d'une flore idéale 12
Prête à s'épanouir. 6
25 La fenêtre est étroite et jamais ne s'éclaire 12
Au rayon matinal de la clarté solaire. 12
Du sol jusqu'au plafond, 6
Sur les jaunes parois, la sueur de novembre 12
Semble un long chapelet formé de perles d'ambre 12
30 Qui s'égrène et qui fond. 6
Mais pour l'hôte du lieu, lorsque Paris sommeille, 12
Et qu'auprès de son œuvre il commence sa veille, 12
Toute sa pauvreté, 6
Comme un palais féerique, à ses yeux s'illumine, 12
35 Car cet hôte est l'amant d'une muse divine 12
Qui chante à son côté ! 6
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