Métrique en Ligne
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Henri MURGER
Les Nuits d'hiver
1861
À MA COUSINE ANGÈLE
ÉTRENNES
Nous avons tous les deux laissé derrière nous 12
Une époque où la vie est bien bonne et bien belle ; 12
Je m'en souviens encor, vous en souvenez-vous 12
De notre enfance heureuse ? — ô ma cousine Angèle ! 12
5 Ils sont bien loin ces jours, et déjà bien des fois 12
Les ans nous ont touchés en passant de leur aile ; 12
Et notre gaîté blonde aux grands éclats de voix 12
Hélas ! S'est envolée, — ô ma cousine Angèle ! 12
Écoliers turbulents de la classe échappés, 12
10 Pour danser en chantant l'antique ritournelle : 12
« Nous n'irons plus aux bois, les lauriers sont coupés, » 12
Nous n'irons plus aux bois, — ô ma cousine Angèle ! 12
Plus heureuse que moi, vous n'avez pas quitté 12
Le foyer de famille, et la voix maternelle 12
15 Conserve à votre cœur la sainte piété 12
Qui n'est plus dans le mien, — ô ma cousine Angèle ! 12
Vous avez le travail pour compagnon le jour, 12
La nuit un ange blanc vous couvre de son aile, 12
Et des songes bénis descendent tour à tour 12
20 Du ciel à votre lit, — ô ma cousine Angèle ! 12
Votre parole est douce ainsi que votre nom ; 12
L'esprit de la bonté dans vos yeux se révèle, 12
Et vos seize ans fleuris embaument la maison 12
D'un parfum de jeunesse, — ô ma cousine Angèle ! 12
25 Autrefois, quand venait le jour de l'an nouveau, 12
Selon le contenu de ma pauvre escarcelle 12
J'arrivais tout joyeux vous offrir mon cadeau, 12
Qui ne coûtait pas cher, — ô ma cousine Angèle ! 12
Mais depuis ce temps-là le diable, comme on dit, 12
30 S'est logé dans ma bourse, et vainement j'appelle 12
Plutus, l'aveugle dieu, que je crois sourd aussi, 12
Car il ne m'entend pas, — ô ma cousine Angèle ! 12
Donc, vous n'aurez de moi nul présent aujourd'hui, 12
Ni keepsake éclatant, ni riche bagatelle, 12
35 Ni bijou ciselé par quelque Cellini, 12
Et ni bonbons sucrés, — ô ma cousine Angèle ! 12
Vous n'aurez rien de moi qu'un serrement de main, 12
Ou qu'un baiser au front, — étrenne fraternelle, 12
Et puis ces pauvres vers que, ce soir ou demain, 12
40 Vous oublîrez sans doute, — ô ma cousine Angèle ! 12
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