Métrique en Ligne
MUR_1/MUR17
Henri MURGER
Les Nuits d'hiver
1861
LES CORBEAUX
Le jour tardif blanchit à peine, 8
La silhouette des coteaux 8
Dans l'ombre encore est incertaine, 8
La vapeur qui monte des eaux 8
5 Rampe en brouillard blanc sur la plaine 8
Où vont descendre les corbeaux. 8
De loin, bien avant qu'il paraisse, 8
Leur vol, que l'on entend venir, 8
Selon le vent monte ou s'abaisse ; 8
10 Rien ne pourra les faire enfuir, 8
Car ils sont affamés sans cesse : 8
Tout leur est bon pour se nourrir. 8
Attirés par l'odeur malsaine, 8
Sur les carcasses d'animaux 8
15 On les voit tomber par centaine 8
Et dès qu'ils ont blanchi les os, 8
Ils abandonnent leur aubaine 8
Au tourbillon des étourneaux. 8
L'hiver, par la neige affamée, 8
20 Leur voracité s'enhardit, 8
Et dans la basse-cour fermée 8
La troupe noire entre, à midi, 8
Fouillant du bec dans la buée 8
Qui sort du fumier attiédi. 8
25 Sans étudier la science 8
Dans le grand messager boiteux, 8
Ils savent quand on ensemence, 8
Et, suivant le pas lourd des bœufs, 8
Pillent la future abondance 8
30 Dans les sillons ouverts par eux. 8
Ils sont plus défiants qu'en guerre 8
Un avant-poste de soldats ; 8
Le plus fin chasseur de la terre 8
De près ne les approche pas, 8
35 Et de loin ne les atteint guère : 8
Ils flairent la poudre à cent pas. 8
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