Métrique en Ligne
MUR_1/MUR11
Henri MURGER
Les Nuits d'hiver
1861
LA CHANSON D'HIVER
Les gens qu'amuse le théâtre 8
Nous ont fourni pour cet hiver 8
Du charbon de quoi remplir l'âtre ; 8
Et le pain, dit-on, n'est pas cher. 8
5 Verrous tirés, ô ma petite ! 8
Enfermons-nous pour nous aimer : 8
Tant que bouillira la marmite, 8
Nous serons là pour l'écumer. 8
Si d'amour sec et d'onde pure 8
10 L'amour, dit-on, ne vit pas bien, 8
Notre tirelire murmure 8
Le bruit du flot pactolien. 8
À ce doux bruit qui nous caresse, 8
Sans crainte nous pouvons dormir : 8
15 Nous avons six mois de tendresse 8
Sur la planche de l'avenir. 8
Comme on effeuille dans un livre 8
Un bouquet fraîchement cueilli, 8
Pour que plus tard il vous enivre 8
20 D'un reste de parfum vieilli ; 8
Si nous ne voulons pas, ma chère, 8
Avant le temps nous oublier, 8
Tristes ou gais, il faut nous faire 8
Des souvenirs pour nous lier. 8
25 Quand le givre aux carreaux burine 8
Ses caprices étincelants, 8
Quand la neige épaissit l'hermine 8
Dont elle a vêtu les toits blancs, 8
Ermites du bonheur tranquille, 8
30 Oublieux, oubliés de tous, 8
Que notre amour frileux s'exile 8
Dans l'égoïsme du chez nous. 8
Messager de bonnes nouvelles, 8
Quand noël au gai carillon 8
35 Fait pétiller les étincelles 8
De la bûche du réveillon ; 8
Célébrant la vieille coutume, 8
Entre le soir et le matin, 8
Sur la braise qui se consume 8
40 Nous ferons griller du boudin. 8
Échos de Rome et de Venise, 8
Quand les grelots du carnaval, 8
Qu'à son gré Gavarni déguise, 8
Fredonneront l'appel au bal ; 8
45 Prenant de loin part à la fête, 8
Nous boirons le reste du vin 8
Où jadis la pauvre Musette 8
Mouillait sa lèvre et son refrain. 8
Et tant qu'aux vives salamandres, 8
50 Lumineux esprits du foyer, 8
Le grillon, rossignol des cendres 8
Redira son cri familier : 8
Engourdis dans notre bien-être, 8
Comme au fond d'un nid duveté, 8
55 Sans regarder le thermomètre 8
Nous attendrons fleurir l'été. 8
logo du CRISCO logo de l'université