Métrique en Ligne
MON_1/MON26
Robert de Montesquiou
LES HORTENSIAS BLEUS
1896
II
CHAPELLE BLANCHE
BERCEUSES
Soudain sa tiare
Prend feu comme un phare
........................
Sa main qui l'arrache
A son front s'attache
Et brûle avec lui.
Les Orientales .
à M. Jean RICHEPIN.
XXV
POTINÆ
Faut-il, hélas ! que tout périsse ? 8
Où vont les rubans de nourrice 8
Quand c'est fini des nourrissons ? 8
Ces rubans au vol long et large 8
5 Qui semblent d'un navire au large 8
Les voiles pleines de frissons. 8
Ces rubans qui font irisées 8
Les terres des Champs-Élysées 8
Dont le banc aime à s'en fleurir ; 8
10 Et qu'on voit en folles couronnes, 8
Autour du front des Beauceronnes, 8
Et des Bourguignotes courir. 8
Ces rubans dont les exégèses 8
Sont, par les loueuses de chaises, 8
15 Refaites de coques en plis ; 8
Et que les vendeuses d'oublies. 8
De réminiscences remplies, 8
Sauront préserver de l'oubli. 8
Ces rubans formant des coiffures 8
20 Qui semblent pleines de levures 8
Et paraissent un chapiteau ; 8
Ruchés pots-pourris éclectiques 8
Dont les compromis esthétiques 8
Errent du hennin au gâteau. 8
25 Ces rubans arrangés en tourte, 8
Dont la comète semble courte 8
Quand elle s'éteint sur le sol ; 8
Et qui déterminent les castes 8
Par ombelles plus ou moins vastes 8
30 Du champignon au parasol. 8
Ces rubans, par flots, par orgie 8
Sans nom, sans étymologie, 8
Sans précédent et sans raison. 8
Que la payse s'évertue 8
35 A porter, comme une tortue 8
Porte sur son dos sa maison. 8
Ces rubans dont la résultante 8
Sans doute est d'étendre une tente 8
Portative, un toit vermillon 8
40 Sur. le nez du bébé qui tette, 8
A l'abri du kiosque-tête 8
De sa nourrice-pavillon. 8
Ces rubans, couleur confiture, 8
Par qui l'accident de voiture 8
45 Est quelquefois déterminé, 8
Mais que l'on voit sur un refuge 8
Surnager, ainsi qu'un déluge 8
Est par une arche dominé. 8
Ce ruban qui prend à l'élytre, 8
50 Au fez, au turban, à la mitre, 8
A la tiare, au pschent doré, 8
Pour en faire ce bonnet vôtre, 8
Le bonnet rond, rond comme l'autre, 8
Le bonnet carré fut carré. 8
55 Ces rubans, qu'à cela ne tienne, 8
Qui font travailler Saint-Étienne 8
Et des légions de canuts 8
Dont le cœur, rempli d'anathème 8
Pour tes patronnes, au moins t'aime 8
60 O troupeau de reines Canuts. 8
Car, hélas ! un jour, si, traîtresses, 8
A l'exemple de vos maîtresses 8
Qui désertent par million, 8
Pour une mode qui nous lèse 8
65 Et donne des faux airs d'Anglaise 8
Aux dames même de Lyon ! 8
Comme ces mamans rien-qui-vaille, 8
Si vous reniez soie et faille, 8
Nous, métiers, que deviendrons-nous 8
70 Quand vous trouverez surannées 8
Vos caboches enrubannées, 8
Qui nous nourrissent, ô nounous ? 8
Mais quand elles vont vers leurs chaumes 8
Redemander à d'autres mômes 8
75 De quoi retourner à Paris, 8
Que font dans l'ennui de l'armoire 8
Ces rubans de soie et de moire 8
Qui ressemblaient à des paris ? 8
Car elles remportent par aunes, 8
80 Par empans, par pans et par zones, 8
De ces rubans désorbités, 8
Par stades, milles, verstes, lieues 8
Roses, lilas, jaunes et bleues, 8
Spectres solaires débités. 8
85 Mais, pour une autre nourriture, 8
Quand elles vont donner pâture 8
A de petits Lutéciens, 8
Jamais leur chef ne rapatrie 8
Au cher Palais de l'Industrie 8
90 Les diadèmes anciens. 8
Et, définitivement sèches, 8
Quand au foyer, revêches, rèches, 8
Ramenant de nouveaux rubans 8
Bons à faire mourir d'envie, 8
95 Elles viennent finir leur vie 8
Au pas des portes, sur leurs bancs ; 8
Lorsque, porteuses de cagnottes. 8
Beauceronnes et Bourguignotes 8
S'en retournent vers leur pays, 8
100 Quel est le sort des bandeaux amples 8
Qui s'élevaient comme des temples 8
Devant nos regards ébahis ? 8
Bandeaux qui sur les pèlerines 8
Épanchaient leurs fleurs purpurines ; 8
105 De tous les feux, de tous les tons, 8
Et dont aimaient l'ardeur qui bouge 8
Les débitants de ballon rouge 8
De cerceaux et de mirlitons. 8
Jamais plus, pour aucuns dimanches, 8
110 Rien n'en palpite sur leurs manches 8
Ni sur celles de leur marmot ; 8
C'est affaire entre elle et leur coffre, 8
Et Dieu lui-même, à qui je l'offre, 8
N'est pas du secret de ce mot. 8
115 A moins que, gardant pour la pierre 8
Et la nuit du fond de leur bière 8
La bandelette aux tours soyeux, 8
Le Seigneur bon n'ait fait des limbes 8
Pour l'éternité de ces nimbes 8
120 Dérisoires, fous et joyeux ! 8
logo du CRISCO logo de l'université