Métrique en Ligne
MON_1/MON155
Robert de Montesquiou
LES HORTENSIAS BLEUS
1896
IV
CHAMBRE OBSCURE
MATER ALMA
CLIV
SUNT LACRYMÆ HOMINUM
Je possède un lacrymatoire plein de larmes 12
Antiques, dans un jour de tristesse rempli. 12
Il fait se prolonger, parmi nous, les alarmes 12
D'un chagrin, de durer encore, enorgueilli. 12
5 Oh ! pourquoi nous avoir privés de ce mensonge 12
Qui, sous un ciel lointain, créa l'enchantement 12
De croire que le deuil à jamais se prolonge, 12
Et que le pleur en lui coule éternellement ? 12
N'était-ce pas une magnifique chimère ; 12
10 Et fut-il un plus bel éloge des sanglots : 12
Prétendre que, sans fin, la douleur agglomère 12
Dans un flacon léger, ses minuscules flots ? 12
Les voilà, sous l'iris de leurs lacrymatoires, 12
Des yeux qui les versaient, depuis mille ans, sortis, 12
15 Ces riens inconsolés, incroyables victoires, 12
De l'amour, sur le temps, infiniment petits, 12
Vastes infiniment, plus grands que tout au monde, 12
Et contenant un peu de l'espoir éternel, 12
Parce que la douleur qui sait être profonde 12
20 Console jusqu'aux morts qui ne sont pas au ciel. ! 12
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