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MON_1/MON133
Robert de Montesquiou
LES HORTENSIAS BLEUS
1896
IV
CHAMBRE OBSCURE
MORTE SAISON
CXXXII
PÉNULTIÈMES
Aux adieux, nous échauffons outre l'ordinaire
l'affection envers les choses que nous abandonnons.
MONTAIGNE.
Celui qui va partir est toujours le plus triste : 12
Le voyageur qui sait que l'absence est l'oubli ; 12
Un Automne ignorant si la Terre persiste ; 12
Un mourant incertain que le Ciel soit rempli. 12
5 Puisque la Mort, hélas ! est l'Automne de l'être, 12
Ainsi que le départ est l'Automne d'amour ; 12
Tous les trois sont au bord de la triple fenêtre 12
Où l'espérance craint d'émigrer sans retour. 12
Ils ont vu s'échapper et corneille, et colombe, 12
10 Au seuil du rêve, au seuil du râle et des hivers ; 12
Et les voilà tous trois, dans la nuit de leur tombe, 12
Attendant le retour vague des rameaux verts. 12
Ils ont vu s'envoler et colombe, et corneille, 12
Sans savoir si l'amour quitté rouvre les yeux ; 12
15 Si le mort enterré dans l'ombre se réveille, 12
Et si d'autres saisons préludent sous les cieux. 12
Car tous trois sont au bord de ce triple mystère : 12
La foi du mot, la foi du temps, la foi du lieu ; 12
Mot du cœur, lieu du ciel et force de la terre… 12
20 Quand on ne croit à rien, pourquoi se dire adieu ? 12
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