Métrique en Ligne
MND_3/MND36
Louis MÉNARD
Autres poèmes
1895
Ïambes
(Variantes D’Adrastée, Neue rheinische Zeitung de 1850)
Quand le jour espéré, le jour inévitable 12
Des justes expiations 8
Viendra pour balayer une race coupable 12
Au vent des révolutions ; 8
5 Alors, tous les pleureurs qui parlent de clémence. 12
Ceux à qui le bourreau fait peur, 8
Ceux pour qui la justice est colère et vengeance, 12
Le crime faiblesse et malheur. 8
Reviendront nous crier que la peine est impie, 12
10 qu’il faut pardonner, non punir. 8
Et, quand le sang versé veut du sang qui l’expie, 12
on parlera de repentir. 8
Déesse qu’invoquaient les siècles forts et rudes, 12
Par qui tout meurtre était vengé, 8
15 O Sainte Némésis, vois nos décrépitudes, 12
Ton glaive en férule est changé. 8
Philosophes profonds, déclamateurs sublimes 12
Qui jetez un regard d’amour 8
Sur l’assassin maudit, que le sang des victimes 12
20 Sur vous retombe aux derniers jours. 8
Pas de grâce, pensons à la mort de nos frères, 12
A tant de maux inexpiés, 8
Et que leur souvenir en profondes colères 12
Transforme les lâches pitiés 8
25 Pensons aux jours de sang, de pillage et de ruine 12
Où dans nos faubourgs bombardés 8
Le canon répondait aux cris de la famine 12
A nos murs de sang inondés. 8
Au viol impur, souillant la vierge à l’agonie 12
30 Qui lutte et maudit sa beauté. 8
Quand sur les corps sanglants aux râlements unie 12
Hurle l’immonde volupté ; 8
Aux vaincus désarmés dont la foule sanglante 12
Sous le feu se crispe et se tord ; 8
35 Le sang ruisselle a flots sur la chair pantelante. 12
Cris de meurtre et plainte de mort ! 8
Aux applaudissements des femmes, sur les places. 12
Les corps tombèrent par milliers. 8
Et quand les massacreurs dont les mains étaient lasses 12
40 Eurent tué trois jours entiers. 8
Vous couronniez leur fronts, et vos femmes si fières 12
Battaient des mains et croyant voir 8
Ces cosaques sanglants, chers jadis à leurs mères 12
Agitaient vers eux leur mouchoir. 8
45 Et puis le lendemain de la victoire impie, 12
La hideuse délation. 8
Après l’assassinat, la froide calomnie, 12
L’implacable proscription ; 8
Puis les cachots sans air, dont les voûtes obscures 12
50 Des mourants étouffaient les cris 8
Où les bourreaux rouvraient les récentes blessures 12
Et broyaient les membres meurtris. 8
Oh qu’ils ont bien d’avance absous nos représailles ! 12
Quand nos bras seront déchaînés. 8
55 Pensons aux morts : il faut de grandes funérailles 12
A nos frères assassinés. 8
A notre tour enfin, à vous d’abord, nos maîtres, 12
Nos représentants, nos élus. 8
Vil troupeau d’assassins, de lâches et de traîtres, 12
60 A genoux ! malheur aux vaincus ! 8
Le jour de la justice est venu, pas de grâce, 12
Ni prières ni repentirs 8
Ne vous empocheront de baiser chaque place 12
Où coula le sang des martyrs. 8
65 Toi, l’aveugle Instrument de leur froide colère. 12
Vis, d’exécration chargé ; 8
Pourvu qu’à ton chevet le spectre de ton frère 12
Se lève, le Peuple est vengé. 8
Vous qui nés dans nos rangs avez trahi vos frères, 12
70 des Peuples éternels fléaux. 8
Du pouvoir qui vous paie implacables sicaires, 12
Esclaves, valets de bourreaux. 8
Et vous, vils trafiquants, race basse et rampante, 12
Qui, dans ces jours maudits, alliez 8
75 Soûlant d’or et de vin la horde rugissante 12
Des égorgeurs stipendiés. 8
Loin d’ici, vous souillez l’air pur de la patrie ! 12
Déjà, terrible et menaçant 8
Le Peuple est la qui veille ; oh fuyez, qu’il oublie 12
80 Que le sang seul lave le sang. 8
Pour moi, si j’ai rêvé le sceptre et la puissance. 12
C’est pour le bonheur de tenir 8
L’impassible couteau de la sainte vengeance, 12
Et le droit sacré de punir. 8
85 Mais au crime partout j’égalerais la peine ; 12
Le crime est prompt, le remords lent. 8
Et souvent l’assassin ronge et brise sa chaîne 12
Pendant que la victime attend. 8
J’irais sur le cadavre épeler les tortures : 12
90 Au jour de l’expiation. 8
Œil pour œil, dent pour dent, blessure pour blessure. 12
L’antique loi du talion. 8
Et je voudrais aussi secouant la poussière 12
Des siècles dans l’oubli plongés. 8
95 Évoquer leur douleur muette, et satisfaire 12
Tous les morts qu’on n’a pas vengés. 8
Car l’expiation est chose grande et sainte, 12
Et comme un reproche éternel 8
Les douleurs sans vengeance élèvent une plainte 12
100 Qui monte de la terre au ciel. 8
Et de peur qu’il fut dit que cette loi suprême 12
Put être oubliée une fois, 8
Pour absoudre le ciel, l’homme a cru que Dieu-même 12
Dut expirer sur une croix. 8
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