Métrique en Ligne
MND_3/MND35
Louis MÉNARD
Autres poèmes
1895
Adrastée
Si l’aveugle hasard me donnait la puissance 12
Pour un jour, je voudrais tenir 8
Le glaive justicier de la sainte vengeance 12
Et le droit sacré de punir. 8
5 J’irais sur le cadavre épeler les tortures : 12
Au jour de l’expiation 8
Œil pour œil, dent pour dent, blessure pour blessure 12
L’antique loi du talion. 8
Et je voudrais aussi, secouant la poussière 12
10 Des siècles dans l’oubli plongés 8
Évoquer leur douleur muette et satisfaire 12
Tous les morts qu’on n’a pas vengés, 8
Car l’expiation est chose grande et sainte 12
Et corne un reproche éternel, 8
15 Les douleurs sans vengeance élèvent une plainte 12
Qui monte de la terre au ciel. 8
Et de peur qu’il fût dit que cette loi suprême 12
Put être oubliée une fois, 8
Pour absoudre le ciel, l’homme a cru que Dieu même 12
20 Dût s’immoler sur une croix. 8
La revanche viendra : le Jour inévitable 12
Des Justes expiations 8
Luira pour balayer une race coupable 12
Au vent des révolutions ; 8
25 Alors on nous dira : « La vengeance est impie, 12
Il faut pardonner, non punir ». 8
Et quand le sang versé veut du sang qui l’expie 12
On parlera de repentir. 8
Pas de grâce. Pensons à la mort de nos frères, 12
30 A tant de maux inexpiés, 8
Et que leur souvenir en profondes colères 12
Transforme les lâches pitiés ; 8
Pensons aux jours de sang, de pillage et de ruine, 12
Ou dans nos faubourg bombardés 8
35 Le canon répondait aux cris de la famine, 12
A nos murs de sang inondés 8
Le viol impur souillait les vierges sur les places, 12
Les morts s’entassaient par milliers 8
Et quand les massacreurs, dont les mains étaient lasses, 12
40 Eurent tué trois Jours entiers, 8
Vous couronniez leurs fronts et vos femmes si fières 12
Bâtaient des mains, et croyant voir 8
Ces cosaques maudits, chers jadis à leurs mères, 12
Agitaient vers eux le mouchoir. 8
45 Et puis le lendemain de la victoire impie 12
L’insulte et la délation, 8
Après l’assassinat, la lâche calomnie, 12
L’implacable proscription. 8
Corne ils ont bien d’avance absous nos représailles 12
50 Quand nos bras seront déchaînés, 8
Pensons aux morts : il faut de grandes funérailles 12
A nos frères assassinés. 8
Ce sera votre tour, pas de pardon, nos maîtres, 12
Nos représentants, nos élus, 8
55 Vil troupeau d’assassins, de lâches et de traîtres 12
A genoux, malheur aux vaincus ! 8
Le jour de la justice est venu : pas de grâce, 12
Ni prières, ni repentirs 8
Ne vous empêcheront de baiser chaque place 12
60 Où coula le sang des martyrs. 8
Toi, l’aveugle instrument de leur froide colère, 12
Vis, d’exécration chargé. 8
Pourvu qu’à ton chevet le spectre de ton frère 12
Se lève, le peuple est vengé. 8
65 Vous serfs de tout pouvoir, automates stupides, 12
Bourreaux au meurtre condamnés 8
Qui tournez sans remords vos armes parricides 12
Contre vos frères enchaînés, 8
Et vous vils trafiquants, race basse et rampante. 12
70 Qui dans ces jours maudits alliez 8
Soûlant d’or et de vin la horde rugissante 12
Des égorgeurs stipendiés, 8
Loin d’ici ! vous souillez l’air pur de la patrie. 12
Déjà terrible et menaçant. 8
75 Le peuple est là qui veille : oh fuyez, qu’il oublie 12
Que le sang seul lave le sang. 8
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