Métrique en Ligne
MLV_1/MLV87
Charles MILLEVOYE
POÉSIES
1801-1814
BALLADES
LA FIANCÉE
Le soir brunissait la clairière ; 8
L'oiseau se taisait dans les bois, 8
Et la cloche de la prière 8
Tintait pour la dernière fois. 8
5 Au sein de la forêt obscure, 8
Seul et perdu loin du sentier, 8
J'errais encore à l'aventure, 8
N'entendant plus dans la nature 8
Que le pas de mon destrier, 8
10 Quand soudain s'offrit à ma vue 8
Une bergère du coteau. 8
« Quelle est, lui dis-je, l'avenue 8
Qui peut ramener au château ? 8
— Suivez le long de la fougère, 8
15 A la gauche du coudrier. » 8
Elle était jeune, la bergère : 8
Sa voix était douce et légère ; 8
Et j'arrêtai mon destrier. 8
« Mais toi, pastourelle, à cette heure 8
20 Où vas-tu ? Le ciel est si noir ! 8
Reste un moment ; vers ta demeure 8
Je te reconduirai ce soir. 8
A mes côtés viens prendre place 8
Sous la feuille du coudrier. 8
25 Qu'auprès de toi je m'y délasse, 8
Et qu'à ses rameaux j'entrelace 8
Les rênes de mon destrier. 8
— Oh ! non pas, je suis fiancée : 8
Dans huit jours Roch m'épousera. » 8
30 Et sa main dans ma main pressée 8
Tout doucement se retira. 8
« Pauvre Lise ! poursuivit-elle. 8
— Je veux, lui dis-je, me prier 8
Aux noces de la pastourelle, 8
35 Et diriger vers la chapelle 8
La course de mon destrier. 8
— Venez, repartit la bergère ; 8
Mais vous me plaindrez. — Et pourquoi ? 8
— J'avais un tendre ami… Son père 8
40 Lui défend de songer à moi. 8
De tes jours, triste pastourelle, 8
Que ce jour n'est-il le dernier ! » 8
Je plaignis sa peine cruelle, 8
El, pensif, je m'éloignai d'elle, 8
45 Ralentissant mon destrier. 8
Au chaste rendez-vous fidèle, 8
Je reviens le huitième jour, 8
Portant à l'épouse nouvelle 8
La croix d'or, présent du retour. 8
50 « Où trouver Lise la bergère ? 8
Dis-je à l'ermite hospitalier. 8
— Pas bien loin, dit le solitaire, 8
Pas bien loin. — Où donc ? — Sous la terre 8
Que foule votre destrier. » 8
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